C'est devenu presque une habitude chez l'omnipotent ministre de l'Energie et des Mines. Plaider « l'ignorance » devant l'avalanche de scandales de corruption qui éclaboussent le secteur de l'Energie, son domaine de compétence, est décidément un exercice qu'affectionne particulièrement Chakib Khelil. « Je ne peux pas préciser les motifs des inculpations car je ne connais du dossier que ce qu'en a donné la presse. Je suis au même niveau d'information (que la presse). Je n'ai été informé par aucune institution. Je suis surpris comme vous », déclarait, ce dimanche, lors d'une conférence de presse, le ministre de l'Energie et des Mines. Alors que le PDG de Sonatrach, trois de ses vice-présidents, pas des moindres, et quatre directeurs occupant des postes névralgiques au sein de Sonatrach sont placés qui sous contrôle judiciaire, qui sous mandat de dépôt, englués dans des affaires de corruption et de népotisme, le très sérieux Chakib Khelil, droit dans ses bottes, surprend par l'invraisemblance de ses propos. Se peut-il réellement que Chakib Khelil, un proche parmi les proches, fidèle parmi les fidèles du président Bouteflika, à la tête depuis 1999, du super ministère de l'Energie et des Mines, duquel dépend organiquement Sonatrach, le mastodonte national des hydrocarbures qui contribue à hauteur de 98% aux recettes en devises du pays, soit tenu à l'écart d'une opération « main propre » (ou chasse aux sorcières, c'est selon) d'une telle envergure et qui plus est, a pris pour cibles de très hauts dirigeants relevant de son secteur, accusés entre autres de corruption et de passation illégale de marchés publics ? Les déclarations du ministre paraissent, de prime abord, invraisemblables. Elles se veulent davantage un moyen de couvrir les impérities cavalières du staff dirigeant du département de l'Energie. En février 2007, s'exprimant à la télévision publique après des mois de silence sur l'affaire de la société mixte algéro-américaine, BRC, Chakib Khelil campait déjà le rôle du ministre le « moins informé » du gouvernement.« Les seules informations que j'ai sont celles publiées, avec ma photo dans le Jeune Afrique intelligent. Tout le monde semble informé sauf moi », affirmait-t-il. a réplique du ministre d'il y a trois ans ressemble, à s'y méprendre, à celle servie, dimanche dernier, à l'opinion publique. Le scandale BRC, dont le préjudice financier (et moral) apparaît – pour l'heure, du moins – plus important que celui des malversations relevées par les enquêteurs du Département du renseignement et de la sécurité (DRS) dans l'octroi de marché à deux bureaux d'études et de consulting et d'installation de surveillance dans le cadre de l'activité de transport par canalisation. L'inspection générale des finances (IGF) a eu à enquêter sur 27 projets confiés à BRC par Sonatrach de gré à gré pour un montant global de 7300 milliards de centimes. Aussi vertigineux pouvait-il être, le montant du préjudice, estimé à plusieurs centaines de millions de dollars, n'a pas précipité la manifestation de la vérité. Comme dans toutes les affaires de corruption à grande échelle, où les noms de hauts responsables sont cités, l'affaire des marchés complaisants de gré à gré octroyé à Brown and Rooth Condor (BRC) (une joint-venture entre Sonatrach (51%) et une filiale de la compagnie Halliburton), risque d'être étouffée. A moins que ce ne soit déjà le cas !