C'est un vrai camouflet que viennent d'essuyer les têtes de lance de la révolution orange en Ukraine. Les électeurs ont préféré revenir vers les candidats pro-russes et prendre de la distance avec les candidats pro-occidentaux, principaux animateurs de la révolution orange. C'est donc l'opposant pro-russe Viktor Ianoukovitch, favori de longue date, qui obtient sans surprise le meilleur score, avec 36,86% des voix, selon les résultats officiels portant sur 50,36% de bulletins dépouillés. Il retrouvera ainsi au second tour sa vieille rivale Ioulia Timochenko, Premier ministre en poste, le 7 février. Ce deuxième tour du scrutin présidentiel qui s'annonce d'ores et déjà très serré. Avec une avance de 12 points environ sur sa rivale directe, Mme Timochenko qui recueille 24,31% des suffrages, selon les résultats partiels publiés par la commission électorale centrale, le candidat pro-russe semble bien parti pour sortir victorieux de ce scrutin et prendre sa revanche sur ceux qui l'avaient humilié en 2004 en invalidant pour fraudes massives sa «victoire» présidentielle, lors du vaste mouvement populaire pro-occidental resté dans l'histoire sous le nom de révolution orange : M. Iouchtchenko et Mme Timochenko. Connue pour sa combativité, Ioulia Timochenko a cependant estimé, lors d'une apparition publique dans la nuit de dimanche dernier, que «M. Ianoukovitch, qui représente les cercles criminels, n'a aucune chance». L'intéressé lui a rendu la politesse, estimant que sa rivale était apparue «au désespoir» lors de son intervention. «La journée d'aujourd'hui était un référendum [pour l'équipe orange]. Ils ont reçu le jugement du peuple et ce jugement était juste», a-t-il ajouté. De fait, la pilule est particulièrement plus amère pour le président Iouchtchenko, éliminé dès le premier tour après être arrivé en cinquième position avec seulement 4,87% des voix. Les Ukrainiens ne faisaient pas mystère ces derniers mois de la profonde déception qu'ils ressentaient à l'issue de sa présidence. Ils désapprouvaient notamment les crises politiques à répétition qui l'opposaient à Mme Timochenko et les vives tensions avec Moscou. Une chose est sûre, quel que soit le vainqueur, il n'aura pas la partie facile pour relever un pays en mal de stabilité politique et malmené par la crise sous perfusion financière du Fonds monétaire international depuis plus d'un an. Après avoir tourné le dos à Moscou sous M. Iouchtchenko, l'Ukraine devrait, en revanche, revenir à une politique plus équilibrée. Les deux candidats sortis en tête dimanche dernier prônent un rapprochement avec l'UE -même si la porte de l'adhésion n'est pas pour l'heure ouverte- tout en ménageant Moscou. Notons enfin que la participation à ce premier tour a atteint 66,68% et le vote s'est déroulé globalement dans le calme, à l'exception d'une polémique sur des observateurs géorgiens à Donetsk, fief électoral de M. Ianoukovitch. G. H.