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Et l'acier fut… trompé
Publié dans La Tribune le 21 - 01 - 2010

Dans le conflit social qui oppose les travailleurs du complexe d'El Hadjar à leur employeur, il est quand même intéressant et surtout effarant d'apprendre que, pour le syndicat d'entreprise, «la réhabilitation de la cokerie reste primordiale», contrairement aux résultats d'expertise rendus par des spécialistes russes et polonais qui l'ont jugée inutile sans négliger de souligner l'idée des dirigeants parmi les plus importants du complexe d'avoir une approche plus subtile de la situation. Pour eux (les dirigeants), la question ne se pose pas en termes financiers mais plutôt de rentabilité, sans doute, même si cela reste des plus aléatoires et/ou très peu évident en termes de préservation de postes d'emploi.
Quoique, en ce sens, l'investisseur indien n'ait jamais eu de réelles velléités, il y a cinq ans, de récupérer une gigantesque entreprise, exsangue pour le simple plaisir de venir au secours de milliers de travailleurs menacés dans leur portefeuille. Ces derniers jours, certains syndicalistes relayés par quelques cadres du complexe ont eu vite fait d'émettre un jugement de valeur sur la compétence des Russes et Polonais, qui plus est réputés experts, à décider que la cokerie était ou n'était pas réhabilitable.
Insouciant si ce n'est impudique reproche à des travailleurs qui ont, très certainement, fait partie des dizaines de millions de métallurgistes employés par les entreprises des «républiques» de l'Est. Des métallurgistes, usinant dans des conditions ignominieuses, et d'autorité décrétés stakhanovistes rien que pour donner la jaunisse au reste du monde occidental et surtout justifier une idéologie.
Lakhsmi Mittal, l'Indien comme se plaisent à l'appeler, pour le dévaloriser, les microcosmes politiques européens et parfois les chefs d'Etat auxquels il apporte un sursis parce qu'il vient sauver une économie en péril et conséquemment leur mandat, pour ne pas dire leur tête, en achetant, quoique précairement, la stabilité sociale, n'a en fait jamais été dupe et c'est peut-être l'une des raisons qui font qu'il ne tienne jamais les engagements pris initialement avec les Etats concernés. Nous en prenons pour preuve le cas le plus illustratif qui est celui de l'usine française de Grandrange.
Toutefois peut-il être fait reproche à un capitaliste de n'avoir pas d'états d'âme ou une propension à être moins humaniste que sœur Emmanuelle ou mère Theresa et donc de vouloir gagner 5 dinars en en investissant un seul d'autant plus qu'il puise dans sa cagnotte ?
Certainement pas et deux fois plus qu'un si les pouvoirs publics d'un pays donné ne le font pas alors que cela relèverait naturellement de leurs obligations.
Il y a seulement quatre années, plusieurs leaders politiques de formations dites de l'opposition, exception faite de Mme Hanoune même si elle n'en pas trop fait lors de la reprise, ont pris et cité comme exemple la reconversion du complexe d'El Hadjar, affirmant que sa renaissance «constitue un flagrant constat de l'incapacité des cadres nationaux, et du système qui les a produits, à gérer une entreprise économique», dénonçant «l'incurie» au motif que la nouvelle direction du complexe avait entamé un ostentatoire et très médiatisé plan de redressement duquel émergeait une consistante augmentation des revenus dont la rémunération pouvait aller du simple au double pour certains postes.
Dans le dossier que va étudier le tribunal d'El Hadjar et, bien entendu, trancher, il y a les travailleurs dont le rôle est d'être mécontents, des syndicalistes dont le rôle est de les défendre pour assurer leur propre pérennité et, partant, leur confort, des politiques dont le rôle serait de faire de la récupération même s'il n'y a pas de consultations populaires prévisibles au cours des deux années à venir, des confrères dont le rôle est d'en parler sans pour autant fournir une lecture rationnelle à leurs lecteurs et, enfin, le groupe Sider, lequel, avec ses 30% de parts de capital, oubliant dans la foulée qu'il est minoritaire, tient la canne par le milieu et laisse croire qu'il peut y avoir une solution à un moment où Vincent Le Gouic estime que tout a été dit et qu'il est pratiquement impossible de revenir sur la question de la mise au rebut de la cokerie.
En réalité, ArcelorMittal est en difficulté là où il se trouve à travers la planète et il semble peu probable qu'avec les arguments en béton dont disposent ceux qui vont défendre sa cause, ses dirigeants fassent des concessions qui leur coûteraient. N'ont-ils (ses dirigeants) pas affirmé ces derniers temps que chaque jour de grève représentait «un manque à gagner d'un million d'euros» ?
A. L.


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