D'une localité à une autre, d'un marché à un autre, les prix affichés des marchandises, quand ils le sont, bien sûr, varient, alors que la plupart de ces dernières sont issues de la même contrée, de la même usine ou du même point d'abattage de poulets, d'ovins ou de bovins. A travers cette variabilité des prix à la consommation, perceptible sur tout le territoire national, et malgré pratiquement un même prix de revient à la production, faut-il déduire que notre circuit de la distribution ne répond à aucune règle commerciale si élémentaire soit-elle ? En d'autres termes, s'agit-il des effets d'un marché de plus en plus dérégulé ? Preuve en est, et nul ne peut dire le contraire, le marché local n'est régi par aucune loi ou règle. La réglementation n'existe que sur le papier. Cette absence criante de textes de loi sur le commerce et la concurrence a ouvert grandes les portes à beaucoup de dérives à telle enseigne que notre circuit de distribution a fini par baigner dans une grande opacité, entretenue par l'action permanente de l'économie informelle qui, par ailleurs, est la principale instigatrice du dysfonctionnement du marché local. Il faut également souligner que les pratiques informelles ont investi tous les segments de l'activité commerciale dans notre pays au point que les spéculateurs régulent leurs profits à leur guise. Ce qui veut dire en clair que la gestion du commerce local se distingue par un désordre et une incompétence sans équivalents dans les autres pays. En effet, la facture qui rend légale toute transaction commerciale est tombée dans l'oubli et reste boudée par une grande partie des acteurs du circuit commercial. Elle a été remplacée par le bon de livraison. Le but recherché est de cacher subséquemment le prix d'achat réel de la marchandise et aussi de tenter de minimiser le chiffre d'affaires car l'imposition se fait sur la base du chiffre d'affaires réalisé annuellement par le commerçant. Il faut également rappeler que le défaut de facturation est devenu, par la force du temps, une règle courante chez les négociants. Ce qui n'est pas sans éloigner les adeptes du commerce légal, convaincus que la véritable concurrence repose intrinsèquement sur la transparence des transactions. Cela n'a pas été le cas jusqu'ici, même si la loi sur la concurrence existe depuis 2004 ainsi qu'un Conseil de la concurrence, à cette même époque, les textes de loi n'ont eu aucune incidence sur le terrain de leur application. Et ce n'est qu'après une éclipse de cinq années que les pouvoirs publics décident enfin de donner plus de pouvoirs de police au conseil. En d'autres termes, remettre sur la selle cet organisme à la faveur des amendements apportés aux dispositions de l'ordonnance 03/03 de juillet 2003. L'ordonnance en question élargit le champ d'intervention du Conseil de la concurrence, notamment aux activités de distribution et de services, y compris l'importation, ainsi qu'aux marchés publics et ce, afin d'asseoir une certaine transparence et de la crédibilité dans les transactions. Plafonnement des prix : pour quels résultats ? Même la composante du Conseil de la concurrence a été remaniée, comptant désormais 12 membres au lieu de 9 auparavant, dont six choisis parmi les personnalités et experts titulaires au moins d'une licence et ayant une expérience professionnelle de huit années dans les domaines juridique et économique ; quatre autres triés parmi les professionnels dans les secteurs de la production, des services et des professions libérales et, enfin, les deux derniers membres représentant les associations de protection des consommateurs. La nouveauté est la création du poste de rapporteur général. A propos de cette nouvelle ordonnance, le ministre du Commerce, El Hachemi Djaaboub, avait signalé dans son exposé fait devant le Sénat «une application ferme» sur les cas de monopole, de dominance et de concurrence déloyale. «Outre les officiers et les agents de police judiciaire, habilités à effectuer des enquêtes et à constater les infractions du domaine de la concurrence, les services de contrôle des prix et répression des fraudes relevant du ministère du Commerce, les agents de l'administration fiscale, l'Inspection générale de finances (IGF) seront également associés». Reste à savoir si tous ces instruments de contrôle arriveront au plus vite à rétablir les règles de la concurrence de façon pérenne. Un travail qui restera tributaire du degré d'implication réelle sur le terrain des associations de protection des consommateurs qui, en quelque sorte, sont la véritable arme de dissuasion à opposer aux commerçants sans scrupules qui n'ont eu de cesse de s'en mettre plein les poches sur le dos des consommateurs. Aujourd'hui, il est temps de remettre de l'ordre dans le circuit de la distribution. «Mais ce n'est pas en plafonnant les marges bénéficiaires des acteurs du circuit que l'on pourra éviter les flambées des prix», commentent des observateurs car, pour eux, la mise en place des règles de la concurrence et des prix passe avant tout par une régulation permanent du marché. En d'autres termes, mettre en place les mécanismes de régulation qui puissent endiguer toute tentative d'augmenter les prix de façon artificielle. Z. A.