Photo : S. Zoheir Par Faouzia Ababsa Jeudi 28 janvier. Il est 4h du matin. L'accès à l'aéroport Houari Boumediene est quasiment ceinturé par les services de sécurité. On ne passe pas sans montrer patte blanche. Qu'il s'agisse de la presse ou des citoyens qui se sont inscrits pour rejoindre l'équipe nationale en Angola. C'est en quelque sorte un véritable filtrage qui est opéré. Lequel n'a pas dissuadé de jeunes supporters venus en auto-stop. Rabroués par des policiers en faction parce que n'ayant pas les documents requis, cela ne les a pas découragés pour autant. Ils tentent de «négocier» le passage du premier barrage. Quand il arrive qu'ils le traversent, ils en trouvent un autre. Cela, jusqu'à l'entrée de ce qui faisait office de lignes intérieures. Là, c'est le scanner qui prend le relais du filtrage. Déjà, l'aérogare est verte, blanc et rouge de monde. Difficile de se frayer un chemin en raison de l'excitation des jeunes supporters en partance pour Benguela. «C'est nous qui inventons les slogans» Même qui ceux qui se trouvaient au niveau de l'enregistrement pour la délivrance des cartes d'accès ne tenaient pas en place. En attendant son tour, chacun d'eux y allait de ses slogans de sa chanson. D'autres encore en inventaient : «set mlayen zaouali maandouch» ou «bla visa rayhine l'Angola». L'aéroport ne désemplissait pas. Certains supporters se prêtaient à la vaccination au niveau de la cellule médicale mise en place à cet effet, d'autres vérifiaient si réellement leurs noms figuraient sur la liste. Alors que plusieurs jeunes gens s'inquiétaient de ne pouvoir embarquer parce que n'ayant pas obtenu le visa ou pas acheté le billet faute de moyens. Ce n'est pas pour autant qu'ils sont découragés, puisque ils tenteront une incursion au niveau de l'embarquement. Ils sont stoppés net par les services de sécurité qui se sont rendu compte qu'ils détenaient de fausses cartes d'accès. Ils sont refoulés vers la grande salle. «Dites à Bouteflika que nous aimons notre pays et que nous voulons partir pour soutenir l'équipe nationale contre l'Egypte», nous dira un jeune venu de Aïn Naadja et qui n'a pas hésité à passer la nuit à l'aéroport pour être sûr de ne pas rater l'avion. Comme beaucoup de supporteurs, il n'a pas les moyens de payer le billet d'avion. «Regardez ceux qui partent, ils font partie de la ‘‘tchi tchi''. Ce n'est certainement pas eux qui vont faire vibrer le stade. C'est nous qui allons le faire chauffer et donner du tonus à notre équipe. Les slogans, c'est nous qui les inventons. Nous voulons rééditer ce que nous avons fait au Soudan et qui a permis au onze algérien d'éliminer l'Egypte du Mondial». A ce moment, nous remarquons la présence du patron de la Protection civile. «Il vient voir ses éléments et leur donner les dernières consignes puisqu'ils accompagnent les supporters en Angola», nous précisera un officier affecté au «filtre» avant l'embarquement. Si la présence de M. Hbiri n'a pas suscité de remous, cela n'a pas été le cas pour Abdelwahid Bouabdallah, patron d'Air Algérie. Au moment où les journalistes présents voulaient s'approcher de lui pour lui demander comment s'organisaient les choses, il est pris d'assaut par les jeunes qui n'avaient pas de billets. L'intervention des services de sécurité, qui ont vite fait de l'évacuer, ne leur a pas permis de lui faire part de leurs doléances. Mais ils trouveront assez de voix pour se faire entendre. Leurs cordes vocales étaient encore bien huilées. Un homme d'affaires présent sur les lieux est entouré par des jeunes qui lui expliquent leur situation. Il promet alors de les prendre en charge à ses frais. En dehors de ceux qui se débattaient pour prendre l'avion, les autres supporters continuaient de taper dans les tambourins aux couleurs nationales. Les retardataires se dirigeaient vers la vingtaine de cartons, entreposés devant l'entrée, pleins à craquer de drapeaux, bonnets et chapeaux et autres fanions, mais aussi des petits sacs à dos contenant de l'eau minérale, des médicaments et des sandwichs. La préposée à la surveillance empêche l'anarchie en lançant : «Vous aurez tout une fois dans l'avion.» Il est 5h45 lorsque l'embarquement des supporters commence. Les déçus ne «décollent» pas de devant la porte, déçus mais en même temps, attendant qu'on finisse par les laisser passer. L'heure de vérité est arrivée pour eux. Air Algérie décide alors de faire embarquer ceux qui n'ont pas pu acheter les billets. Tandis que ceux qui n'avaient pas de visa, ils sont restés au sol. Car ils auraient été refoulés une fois arrivés en Angola. Quatre avions ont donc décollé hier du tarmac de l'aéroport Houari Boumediene avec à leur bord plus de 900 supporters qui allaient les transformer en scène de fête.