Se voulant une œuvre biographique, le livre de Cherif Abddaïm, Abdelhafid Boussouf : le révolutionnaire aux pas de velours, n'obéit, en fait, ni à un ordre chronologique ni à une logique biographique. Paru aux éditions ANEP au mois de décembre 2009, ce livre atypique consacré au personnage du colonel Boussouf dit Si Mabrouk, pionnier des services spéciaux de la révolution algérienne et ministre de l'Armement et des Liaisons générales (MALG) du GPRA, s'avère une compilation de témoignages des proches compagnons de Boussouf, ceux d'anciens cadres du MALG et des anecdotes rassemblés autour du premier homme des services algériens. Fait confirmé par la préface signée par l'ex-cadre du MALG, Brahim Lahreche, dit Ghani. Ce dernier situe l'importance du livre de Cherif Abddaïm dans le fait que «c'est une œuvre utile pour l'auteur de s'être inspiré de mon étude et de celles d'autres ‘'malgaches'', joignant à cela des témoignages d'acteurs de la révolution, pour éclairer le lecteur sur l'illustre moudjahid que fut Abdelhafid Boussouf». Parmi les Boussouf Boys, comme on les appelle, qui ont livré leurs témoignages sur leur «parrain», on relèvera donc ceux de Brahim Lahreche mais aussi ceux de Abdelkrim Hassani, Abderrahmane Benatia, Brahim Lahouassa, Ali Cherif Deroua, Abdelmadjid Maalem, Ali Hamlat et Mohamed Lamkami. Au fil des 308 pages qui constituent le livre, les intervenants n'ont mis en exergue que la partie visible de l'iceberg du rôle du colonel dans la guerre secrète entre la révolution et les services de renseignements du colonialisme. Tous s'accordent à affirmer que Boussouf a été l'initiateur du premier embryon de l'industrie militaire de l'Armée de libération nationale au Maroc dont l'artisan matériel, affirme-t-il, était Zeggar Messaoud, dit Rachid Casa. L'auteur a multiplié les sources pour tenter de retracer le parcours de Boussouf, lequel était intimement lié au mouvement national et au combat libérateur du peuple algérien. Il a mis en exergue l'activité de Boussouf au sein du Parti du peuple algérien (PPA) et de l'Organisation spéciale (OS). Le passage de Boussouf en Oranie, après la découverte de l'OS par les services de sécurité du colonialisme, et sa contribution, aux côtés de Larbi Ben M'hidi dont il était l'adjoint, à la formation des premiers groupes de moudjahidine pour la préparation du 1er Novembre 1954, puis sa nomination comme adjoint de Ben M'hidi à la tête de la future Wilaya V. L'auteur restitue la participation de Boussouf au sein du Groupe des 22 et au Congrès de la Soummam en août 1956, ainsi que son intégration au sein du Comité de coordination et de d'exécution (CCE). Il s'est longuement attardé sur l'activité de Boussouf au sein du GPRA et son rôle dans la création du MALG, ainsi que le rôle d'équilibre qu'il avait joué au sein des différentes instances dirigeantes de la révolution. Il évoquera également sa contribution à la création du centre d'écoute d'El Marsa, d'ateliers de réparation d'armes de guerre et celle d'artillerie légère au Rif marocain. Il évoquera aussi la mise en place, en pleine guerre de libération nationale, des différents départements du MALG. L'auteur a également consacré un chapitre entier à la guerre secrète menée par les services de Boussouf pour contrer les services français de l'époque, en mettant en avant des documents sur le Sahara algérien récupérés par un réseau du MALG et qui ont été de grande utilité pour la délégation du GPRA, lors des accords d'Evian. De la personne de Boussouf, l'auteur ne livrera que sa naissance milévienne, son nationalisme et son adhésion précoce au mouvement nationaliste. C'est tout. On ne saura rien de plus sur Boussouf l'homme ni sur son environnement familial. De menus détails sont livrés sur sa vie privée, essentiellement sur sa petite enfance. Rien d'autre. Bref, du docteur Jekyl, l'auteur aura tenté de tout retracer, mais du Mister Hyde du personnage, tout restera dans l'ombre. Du rôle de Boussouf dans les éliminations politiques et la guerre des clans durant la guerre, rien n'a été dit. L'épisode Abane Ramdane n'a même pas été évoqué et encore moins le procès des colonels. C'est dire si l'auteur a préféré éviter les sujets qui fâchent dans cette tentative biographique. L'énigme Boussof restera entière. G. H.