De notre envoyé spécial à Cabinda Abdelghani Aïchoun Cabinda est l'une des villes angolaises qui a accueilli des matches de la Coupe d'Afrique des nations de football. Une enclave située au Nord, sur le territoire de la RD Congo. Une province qui a, deux jours avant l'entame de la compétition, attiré tous les regards, puisque l'une des équipes qui devait évoluer dans le groupe B, en l'occurrence le Togo, a subi une attaque de la part des séparatistes de la région, causant la mort de deux membres du staff. De facto, la chose politique s'est mêlée du sport. La panique s'est emparée, durant un laps de temps assez court, du Comité d'organisation. Les autres équipes du groupe, à savoir la Côte d'Ivoire, le Ghana et le Burkina Faso, posent leurs conditions pour rester. Il s'agit surtout de garanties sécuritaires. Le président de la CAF, Issa Hayatou, s'est empressé de se rendre à Cabinda, histoire de rassurer les uns et les autres. Les autorités togolaises ont décidé, finalement, de retirer leur sélection. La CAN se déroulera néanmoins comme prévu. Au milieu de tout cela, les séparatistes ont «réussi» leur coup : faire parler d'eux à tous les niveaux. Il faut dire que cette «affaire» a été un calcul politique depuis le début. Des groupes séparatistes de la région avaient, depuis plusieurs mois déjà, «menacé» la Coupe d'Afrique qui se déroulait dans leur région. Mais, aucune entité n'avait suggéré de «délocaliser» les matches qui devaient se dérouler à Cabinda. En somme, quelque part, si l'Angola avait choisi cette province parmi les quatre villes qui ont accueilli les rencontres de la CAN, c'est, en partie, pour affirmer sa souveraineté sur la région. En acceptant la proposition angolaise pour l'organisation de cette édition, la CAF a apporté sa «caution». Un choix hautement symbolique, donc, pour Luanda. Et cela, bien évidemment, n'a pas échappé aux «détracteurs» de l'administration centrale. En quelque sorte, le Togo, a été, dans cette affaire, victime de calculs politiques qui ne le concernaient ni de près ni de loin. Maintenant, le «détail» peut être sujet à discussion. En d'autres termes, le Togo, qui était en stage en RD Congo, connaissait-il les risques en empruntant la voie terrestre ? A ce sujet, les uns et les autres se rejettent la responsabilité. Mais la question qui mérite d'être posée est de savoir comment on accepte d'organiser un tel événement dans une région «instable». D'ailleurs, en arrivant sur les lieux, tous les participants à cette CAN vérifient rapidement cette donne. Les délégations des équipes et les médias sont tous escortées vers leur lieu de résidence par des agents des services de sécurité lourdement armés. Auparavant, la procédure d'entrée à Cabinda, à partir de Luanda -il n'y a pas de voie terrestre à partir de l'Angola vers Cabinda- est aussi longue et lourde que celle concernant un voyage d'un Etat à un autre. Aucun participant à cette Coupe d'Afrique n'est autorisé à quitter son lieu d'hébergement sans escorte. Il est à noter par ailleurs, que ces mesures de sécurité draconiennes ont porté leurs fruits puisque, hormis l'attaque du bus transportant la délégation togolaise, aucun incident de quelque nature que ce soit n'a été enregistré par la suite durant la CAN. En tout état de cause, s'il y a de la tension dans cette région c'est en partie parce qu'elle est un important réservoir d'hydrocarbures. Selon des chiffres publiés il y a peu, Cabinda produit plus de la moitié du pétrole de l'Angola. Ses gisements off-shore sont principalement gérés par l'américain Chevron ou même le français Elf. Si les citoyens de la région sont unanimement contre l'attaque perpétrée contre la délégation togolaise, il n'en demeure pas moins qu'ils contestent, généralement, la manière dont sont réparties les richesses de l'enclave. «C'est ici que sont produites beaucoup de richesses du pays, mais le plus gros de ces richesses va toujours vers Luanda. Il n'y a pas beaucoup de projets ici comparativement à la capitale», nous a déclaré, en français, un jeune interprète recruté par le Comité d'organisation local de la CAN.