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Du combat libérateur à la lutte pour les droits socio-pédagogiques
Il y a 52 ans, les étudiants rejoignaient le maquis
Publié dans La Tribune le 19 - 05 - 2008


Photo : Riad
Par Chafaa Bouaiche
L'Algérie célèbre aujourd'hui le 52ème anniversaire de la grève des étudiants du 19 mai 1956. 52 ans après cette date historique, où des étudiants et lycéens ont décidé de rejoindre le combat libérateur, l'université algérienne vit au rythme d'une grève générale des enseignants à chaque rentrée universitaire. Outre la mauvaise qualité de l'enseignement, les étudiants souffrent des conditions de vie lamentables. En effet, la vie dans les résidences universitaires est devenue infernale.
Les chambres surchargées, les salles de lecture absentes, les moyens de divertissement inexistants, les activités culturelles et sportives sont rares, la restauration est qualifiée, par les étudiants, d'infecte… Avec une bourse trimestrielle de 2 700 DA (30 DA/jour), l'étudiant algérien ne peut faire face aux besoins quotidiens de la vie.
Il n'a pas le droit d'acheter un livre, de voir un film au cinéma, d'assister à un spectacle ou encore de voyager. L'étudiant est pris en charge par ses parents, et cela le réduit au statut de mineur.
«Il est malheureux de constater que la date du 19 mai ne signifie presque rien pour l'étudiant
algérien. D'ailleurs, au lieu de célébrer cette date historique, l'administration universitaire a préféré consacrer cette journée aux examens», regrette Sofiane Khaldi, président de l'Union générale des étudiants algériens (UGEA).
La situation de l'université algérienne, selon M. Khaldi, est en dégradation sur les plans pédagogique et social. Au plan pédagogique, l'enseignement supérieur a connu des réformes, depuis trois ans, notamment le système LMD. «L'UGEA a déclaré son opposition à ce système dès le début de son application, car nous considérons que le problème de l'enseignement supérieur dans notre pays ne réside pas dans le nombre d'années d'études», explique le président de l'UGEA. Selon lui, le véritable problème est la qualité de la formation des enseignants,
l'encadrement des étudiants ainsi que le fond du programme qui est obsolète.
Le nombre d'étudiants en Algérie est de l'ordre de 1 million. Ce nombre important impose plus d'efforts à consentir. «Le règlement du problème ne se limite pas à la réalisation d'infrastructures [amphithéâtres, salles d'études…], l'université a besoin d'un système d'aide pour les enseignants et les étudiants en difficulté : le tutorat», ajoute M. Khaldi. Ce système favorise la formation accélérée des enseignants, les étudiants ayant connu un échec bénéficient également de cours supplémentaires. «Le système LMD a connu un taux d'échec de 40%», précise M. Khaldi.
Pour sa part, Brahim Boulegane, secrétaire général de l'Union nationale des étudiants algériens (UNEA), déclare que, 46 ans après l'indépendance, l'Etat a pu régler le problème de la quantité (construction de nombreuses villes universitaires, des résidences…), mais pas le problème de la qualité, notamment de l'enseignement. «La qualité de l'enseignement et de l'encadrement est déplorable», regrette M. Boulegane. Concernant la réforme de l'université et le système LMD, le SG de l'UNEA revendique une évaluation de ce système après trois ans d'application.
La situation sociale de l'étudiant laisse à désirer
Actuellement, l'Algérie compte 41 villes universitaires. L'Etat réserve des enveloppes budgétaires conséquentes aux œuvres universitaires (transport, restauration, hébergement). En dépit des sommes faramineuses dépensées, l'étudiant n'est pas satisfait par la qualité de services. Les pouvoirs publics sont également loin d'être satisfaits.
Afin de contribuer à l'amélioration de la situation sociale des étudiants, l'UGEA a élaboré une plate-forme de 100 + 1 revendications, dont la principale est de libéraliser les deux chapitres : le transport et la restauration. «On ne comprend pas comment on peut continuer à payer le prix d'un repas 1,20 DA, alors même que la pièce de 20 centimes n'existe plus», s'interroge M. Khaldi. Selon lui, l'Etat doit octroyer à l'étudiant un présalaire de pas moins de 12 000 DA. «D'après des statistiques que nous avons établies, l'Etat dépense une somme de
22 000 DA par mois pour chaque étudiant», indique le premier responsable de l'UGEA. La libéralisation des deux chapitres signifie-t-elle désengagement de l'Etat ? «L'Etat doit continuer à assumer sa responsabilité dans l'hébergement, l'aménagement des résidences, l'animation des campus… », rétorque notre interlocuteur.
«Nous constatons que l'étudiant est le seul citoyen privé de ses libertés. Avec 10 080 DA par an, l'étudiant est privé de tous les besoins de la vie», affirme M. Khaldi.
Abondant dans le même sens, le SG de l'UNEA déclare que la bourse n'a pas connu d'augmentation depuis 1991. «Pourtant, l'argent existe», souligne M. Boulegane. L'UNEA, par la voix de son SG, revendique une bourse pédagogique de 8 000 DA/mois. «Sur les plans du transport universitaire et de l'hébergement, la situation s'est améliorée. La restauration a connu, au contraire, une dégradation», affirme le SG de l'UNEA qui demande une révision du système des œuvres universitaires. «Nous revendiquons la dissolution de l'Office national des œuvres universitaires (ONOU). C'est un organe instable qui a connu 11 DG en l'espace de 12 ans. Il faut procéder à la création de 4 offices régionaux qui auront pour charge de gérer les œuvres universitaires.» Au sujet de la violence au niveau des universités, M. Khaldi reconnaît qu'elle est le résultat du vide qui règne au niveau des résidences universitaires. «Les services culturels ne fonctionnent plus. Les activités culturelles sont inexistantes. Ajoutons à cela la dernière décision prise par l'ONOU d'interdire l'organisation de galas artistiques au niveau des résidences. Il faut reconnaître aussi que l'orientation des étudiants au niveau des résidences se fait sur des bases régionalistes. Tout cela ne peut engendrer que violence et agressivité», regrette le président de l'UGEA.
Ouvrir un dialogue
«Il faut ouvrir un débat sur les œuvres universitaires et la situation de notre université», déclare M. Boulegane. «Nous demandons l'ouverture d'un vrai dialogue, la mise en place d'ateliers de réflexion autour des réformes. A cet effet, il faut associer tous les acteurs de l'université», déclare, pour sa part, le président de l'UGEA. Le ministère chargé du secteur organise aujourd'hui et demain des Assises nationales de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique au palais des Nations. A cette occasion, le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, prononcera un discours d'ouverture. Il s'exprimera certainement sur des questions liées à l'université, mais également sur des questions d'actualité nationale.


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