Le 13 février 1960, la guerre pour l'indépendance de l'Algérie entrait dans sa troisième année. Ce jour-là, la France coloniale commettait l'un des crimes les plus abominables que l'humanité ait connus. La région de Reggane, à 150 kilomètres d'Adrar, a été le théâtre d'une explosion quatre fois plus puissante que la bombe larguée sur la ville japonaise d'Hiroshima quinze ans plus tôt, durant la Seconde Guerre mondiale. Après cette démonstration de force de la remière puissance au monde, il n'était pas question pour la France de rester en marge de la course à l'armement nucléaire, et de laisser seuls dans le club des «privilégiés» les Etats-Unis d'Amérique, l'ex-Union soviétique et la Grande-Bretagne. Il avait été décidé en 1954 par Pierre Mendès France que l'ancien empire colonial deviendrait une puissance nucléaire, et c'est le premier président de la Vème République qui a parachevé le travail, le 22 juillet 1958, en fixant la date du premier essai au premier trimestre de l'année 1960. Reggane était le site choisi pour le premier tir qui portait le nom de code «Gerboise bleue», et son sort allait être scellé pour toujours. La population de Reggane, estimée à 8 000 habitants selon les statistiques de l'administration coloniale à cette époque, ignorait ce qui allait se passer alors que le site avait déjà été choisi par l'armée française en juillet 1957 pour abriter le champ de tirs, à seulement 50 kilomètres de la zone habitée. Ce 13 février 1960 à 7 h 04 mn, ils ont été surpris par le souffle de la déflagration. Une boule de feu dévorait le ciel avant de retomber en une pluie de poussières qui allaient recouvrir la région et changer son destin et celui de ses habitants, qui n'étaient pas les seuls à en subir les effets dévastateurs. Parmi les 24 000 hommes ayant séjourné à Reggane avant et après l'opération, des travailleurs algériens engagés dans la réparation de l'effroyable manœuvre sans rien connaître de ce qui se préparait et sans aucune protection. Ils ignoraient tout du travail qu'il leur avait été demandé d'accomplir et de l'usage qui serait fait des équipements qu'ils étaient en train de transporter. Pis, non contents de ne pas avoir averti les habitants du danger, les militaires chargés de mener cette première expérience qui devait faire de leur pays une puissance nucléaire étaient déterminés à tout mettre en œuvre pour son succès, poussant la cruauté jusqu'à attacher à des poteaux 150 prisonniers de guerre algériens, à un kilomètre de l'épicentre de l'explosion, afin de tester sur ces cobayes humains les effets des radiations. Ces derniers ont été désagrégés, leurs corps partis en fumée. Quant aux effets sur la population et les nombreux travailleurs enrôlés pour cette tâche, ils sont innombrables et se sont étalés sur le temps. Des cancers du poumon, de la peau et du sang ont causé la mort de beaucoup de personnes alors que d'autres souffrent encore, et des malformations affectent les enfants nés de parents contaminés. La sécheresse, la disparition de la végétation et la mort des animaux sont également les conséquences de la radioactivité de la région de Reggane. La puissance de feu de la bombe nucléaire française avait tout dévasté. Les trois premières puissances avaient brandi l'interdiction d'effectuer des essais atmosphériques, mais la France coloniale était passée outre du moment que c'était les Algériens qui allaient en être les victimes. D'ailleurs, trois autres explosions aériennes dont le taux de contamination est de 22 fois supérieur aux normes autorisées suivront à Reggane. Aucune opération de écontamination n'a été entreprise par la France avant son départ, les déchets enfouis dans le sable ont émergé sous l'effet de l'érosion, vestiges de la barbarie et témoins d'un crime contre l'humanité. R. M.