De notre envoyé spécial à Tamanrasset Abderrahmane Semmar «Apprends toujours à parler à ta guitare. Lorsque tu comprendras ta guitare comme tu comprends les autres, elle fera alors partie de toi-même. Et là, tu seras un grand musicien», confiait bien avant sa mort le maître malien Ali Farka Touré à son disciple, le bluesman Samba Touré. Samba a visiblement bien assimilé ce précieux conseil durant ce long parcours et tout Tamanrasset a vu dans la soirée de mardi soir comment l'enfant chéri de Tombouctou a fusionné avec sa guitare. Tel un amant qui étreint passionnément sa bien-aimée, Samba Touré a tout simplement fait jaillir de sa guitare des chants d'une sensualité et d'une volupté sans égal. Caressant les oreilles attentives d'un public venu nombreux découvrir le prodige du Songhaï blues, Samba Touré a offert à Tamanrasset une prestation qui a éclipsé carrément les belles étoiles de la nuit saharienne. Et pour cause, ce mardi soir, Samba Touré a tissé avec sa guitare les fils du blues du désert. Mélangeant les musiques traditionnelles du Mali aux tonalités du nord des Etats-Unis et de l'Europe, Samba Touré a narré au bouillant public de Tamanrasset toutes les valeurs ancestrales, comme le respect ou la famille et d'autres encore. Ainsi, Tamanrasset a compris dès le début de cet exceptionnel concert que Samba Touré était venu pour délivrer une musique pleine de sincérité et d'authenticité, avec sa personnalité joviale et chaleureuse. A chacune de ses interprétations sur la scène de la place du 1er Novembre, on ressentait cette envie de chanter qui habite le bluesman de Tombouctou. A travers un style propre à lui, le Songhaï blues, celui qu'on appelle le Bo Diddley africain a offert une véritable rencontre artistique et humaine. Une rencontre grâce à laquelle les jeunes de Tamanrasset ont redécouvert quelques chansons de Fondo, un album du groupe de Samba Touré qui a connu un succès retentissant dans tout le Mali, surtout grâce au titre Anbafo, cette chanson, qui fait danser aujourd'hui encore toutes les générations et ethnies confondues, a fait fureur sur la place du 1er Novembre «convertie» le temps d'une soirée de blues en un gigantesque dancing à ciel ouvert. Ali Farka, cette chanson qui se veut un vibrant hommage de Samba Touré à son maître spirituel, Ali Farka Touré, a également ému femmes, hommes et enfants. Enchaînant ensuite à merveille les percussions du djimbé, la calebasse et la batterie, Samba réussit brillamment à plonger dans l'ivresse les jeunes de Tamanrasset avec Yawoye, une chanson «pour flatter les femmes de Tombouctou qui ne sortent qu'une fois par an», à l'occasion de la fête du Mouloud. «One, two, three, viva l'Algérie. Salam Alikoum Tamanrasset. Nous sommes ensemble durant toute cette nuit. Croyez-moi, je suis très heureux d'être avec vous ce soir. Je me sens vraiment chez moi comme à Tombouctou», lançait juste après Samba Touré de sa scène à son public grisé qui n'en demandait pas plus pour fusionner entièrement avec son idole. Ce même public a carrément confondu Samba Touré avec le maître Ali Farka Touré, disparu en 2006, légendaire guitariste, dont le nom continue d'incarner le blues du désert. Il faut dire que tout Tamanrasset a compris ce mardi soir comment Ali Farka, qui fut le professeur de Samba Touré, a formé son disciple en l'emmenant sur les scènes du monde entier Incontestablement, les amoureux de la musique malienne le soulignent à l'unanimité, il lui a permis de renouer avec son identité, une démarche clé dans la carrière et la vie de Samba qui s'est d'abord fait connaître non pas dans le blues mais au sein de Farafina Lolo, un groupe qui accommodait à sa façon les rythmes congolais dans un répertoire destiné en premier lieu à faire danser. Toutefois, puisant aujourd'hui dans la culture du peuple songhaï, cet artiste de 41 ans a réussi à son tour, en reprenant le flambeau de son maître, à en faire connaître la richesse, avec ses armes et sa propre expérience, dans le monde entier. A Tamanrasset, Samba Touré n'a fait donc qu'embellir la grandeur de cette culture dont il assure, avec beaucoup de brio et d'élégance, la représentation dans les contrées les plus lointaines et aux côtés des artistes les plus réputés en Occident. Notons en dernier lieu que le groupe nigérien Sogha, (beau en langue zarma) a fait également sensation au début de la soirée. Avec sa chanson Aïr Ténéré et la beauté de ses compositions, celle de ses arrangements musicaux et de ses tenues vestimentaires, ce groupe en a ravi plus d'un. Constitué de neuf musiciens et de trois chanteuses, Sogha nous a offert une musique issue d'un savant dosage des rythmes traditionnels et modernes obtenus à partir d'instruments comme la basse électrique quatre cordes, la guitare solo électrique six cordes, le luth traditionnel monocorde ou kuntigui, la calebasse percutée avec des bagues et un tambour kalangu. Abordant le désert, sa beauté et l'amour, les paroles de Sogha sont allées droit au cœur des habitants de Tamanrasset. Ce même cœur ne cesse d'ailleurs d'être chaviré depuis le début du Festival international des arts de l'Ahaggar.