Le Niger est depuis jeudi soir sans président de la République après le putsch militaire perpétré contre le chef de l'Etat Mamadou Tandja. La Constitution a été suspendue et toutes les institutions qui en sont issues ont été dissoutes par les militaires qui ont créé à la place le «Conseil suprême pour la restauration de la démocratie (CSRD)». Les putschistes ont aussi imposé dans la soirée un couvre-feu et annoncé la fermeture des frontières, a rapporté la chaîne de télévision d'Etat Télé Sahel, citant un communiqué du Conseil. Par ailleurs, trois personnes ont été tuées et une dizaine d'autres ont été blessées au moment de la prise du contrôle du palais présidentiel. Quant au président déchu, aucune information n'a encore filtré sur le lieu de sa détention. Des sources proches des putschistes ont toutefois affirmé que M. Tandja serait détenu dans un bâtiment militaire de la capitale Niamey. Plusieurs de ses ministres et proches collaborateurs ont été également arrêtés avec lui. Le Conseil a demandé à «la population de garder son calme et de rester unie autour des idéaux qui animent le CSRD et qui pourront faire du Niger un exemple de démocratie et de bonne gouvernance à l'instar des autres Etats épris de paix et de stabilité», a poursuivi le colonel Goukoye Abdoulkarim qui a été désigné comme porte-parole de la junte. Le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Jean Ping, a «condamné la prise du pouvoir par la force au Niger» et demandé un «retour rapide à l'ordre constitutionnel». Dans un communiqué publié hier matin, «le président de la Commission [de l'UA] condamne la prise du pouvoir par la force intervenue au Niger». La France, qui a des intérêts économiques colossaux au Niger, a aussi condamné ce putsch. «La France condamne toute prise de pouvoir par des voies non constitutionnelles», a dit le porte-parole du ministère, Bernard Valero, lors d'un point de presse. «La France engage tous les acteurs, y compris les forces armées, à trouver par le dialogue et dans les meilleurs délais une solution à la crise constitutionnelle», a-t-il poursuivi. De son côté, l'Organisation des Nations unies (ONU) a souhaité «un retour à l'ordre constitutionnel et à la démocratie» au Niger, l'un des pays les plus pauvres en Afrique subsaharienne mais classé en tant que 3e producteur de l'uranium dans le monde. Un important contrat a d'ailleurs été signé il y a un an avec le groupe français Areva pour l'exploitation du gisement d'Imouraren qui constitue la réserve d'uranium connue la plus importante de toute l'Afrique et la deuxième au monde derrière celle d'Olympic Dam, en Australie. Les Etats-Unis ont adopté une position ambiguë en estimant que le putsch n'est que le résultat du refus du président déchu de céder le pouvoir à la fin de son deuxième mandat qui devait prendre effet en janvier dernier. «C'est une situation difficile. Le président Tandja a essayé de rallonger son mandat», a déclaré le porte-parole du département d'Etat américain Philip Crowley, en affirmant que les Etats-Unis avaient exprimé des «inquiétudes» à ce propos. «Et il est évident que cela a très bien pu précipiter ce qui s'est passé aujourd'hui», a estimé le porte-parole, cité par l'APS. Le président Tandja avait, pour rappel, adopté le 4 août dernier une nouvelle Constitution lui permettant une rallonge de son mandat pour trois ans. Il a ensuite dissous le Parlement et organisé des législatives au mois d'octobre en se taillant une nouvelle assemblée sur mesure. L'opposition avait dénoncé un coup d'Etat institutionnel mais M. Tandja qui se croyait invincible a persisté à rester en place au-delà du second quinquennat autorisé dans l'ancienne Constitution. L. M.