La Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'Homme (CNCPPDH), présidée par M. Farouk Ksentini, va participer demain à Genève et pour une durée de deux jours au quatrième congrès mondial contre la peine de mort. Organisé sur l'initiative de la coalition mondiale contre la peine de mort, ce congrès qui va réunir plusieurs centaines de délégués représentant des gouvernements, des acteurs institutionnels, des organisations intergouvernementales et non gouvernementales ainsi que des experts universitaires et les médias du monde entier, va rouvrir le débat sur l'abolition de la peine de mort. L'Algérie, faut-il le rappeler, observe un moratoire sur l'application de cette peine depuis 1993 et a appuyé la résolution 62/149 du 26 février 2008 adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies portant moratoire sur l'application de la peine de mort. Le gouvernement a également décidé de donner une suite favorable à la proposition du gouvernement espagnol d'intégrer l'Algérie dans le groupe d'appui appelé à soutenir, sur le plan international, les actions de la commission internationale en faveur du moratoire et de l'abolition universelle de la peine de mort. Malgré cette position officielle de l'Algérie, il faut peut-être rappeler que, lors de la conférence régionale sur la mise en œuvre de la résolution portant moratoire sur la peine de mort, organisée en janvier 2009 à Alger, les avis sur l'abolition de cette peine ont divergé. Des défenseurs des droits de l'Homme, avocats et autres représentants de la société civile avaient alors appelé le législateur algérien à réviser la loi dans le sens de la décision de l'Etat prise depuis 1993 de suspendre l'exécution de la peine capitale. M. Farouk Ksentini, qui avait souligné à ce moment que la rencontre allait permettre de lancer le débat et que c'est là «l'essentiel», a tenté de convaincre les opposants à l'abolition en déclarant : «L'appartenance de l'Algérie à la sphère de la religion musulmane, qui est une civilisation et une culture, doit nous exhorter à moderniser notre législation et la mettre au diapason des normes internationales.» Cela n'a pas été très convainquant puisque, invité à ce débat, M. Youcef Belmahdi, un cadre du ministère des Affaires religieuses, avait soutenu : «Nous devons tout d'abord ne pas lier une question légale avec la charia. Parce que la charia ne peut être abordée sur un seul point mais d'une manière globale. Dans la charia, il ne s'agit pas, à proprement parler, de peine de mort mais de la loi du talion (œil pour œil et dent pour dent) qui existe dans les religions monothéistes. Quand un crime est commis, il y a la victime et le criminel et, si la législation est faite en faveur du coupable, qu'en sera-t-il pour la victime, ses droits et ceux des siens ? Il faut un équilibre.» Il s'était demandé ensuite quel sort devait réserver la société à un pédophile ou encore à un traître de la nation. «Un pédophile qui abuse d'un enfant et le découpe en morceaux, ai-je le droit de lui pardonner sans même demander l'avis aux parents ? Donc, il faut préserver les intérêts de la victime ou de ses parents et celle du criminel. Dans le cas contraire, les victimes peuvent chercher à faire justice eux-mêmes et les choses vont dégénérer. Donc, nous disons aux défenseurs des droits de l'Homme et aux législateurs qu'il faut bien penser la question avant de s'avancer. Parce que, même dans certains pays européens, la peine de mort n'a pas été abolie. Cette peine est une peine coercitive qui endigue la criminalité.» Loin de cette polémique, M. Rezzag Bara, conseiller du président de la République et ex-président de l'Office national des droits de l'Homme (ONDH), qui avait également participé à cette rencontre régionale, a estimé que «l'Algérie devrait fonder sa politique pénale et pénitentiaire sur une problématique de défense sociale. Nous devons nous organiser de manière que la peine de mort devienne inutile. Je crois qu'il y a dans le droit pénal énormément de possibilités pour rendre la peine de mort inutile sans avoir à poser la problématique de l'abolition». A signaler qu'aujourd'hui l'Algérie est le seul pays arabe à avoir voté les deux résolutions des Nations unies demandant à la communauté internationale d'imposer un moratoire sur la peine de mort. Sept pays arabes se sont abstenus et tous les autres ont voté contre. H. Y.