De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Il y a quelques jours, les services de la police municipale de Souk El Thenine, une paisible ville côtière de la wilaya de Béjaïa, ont eu à intervenir massivement dans l'un des quartiers de la cité pour départager deux groupes d'adolescents qui se sont livré une rixe d'une violence inouïe. Couteaux, barres de fer et gourdins ont été utilisés dans cette «bagarre de mômes» qui s'est évidemment soldée par des blessés de part et d'autre. Les agents de l'ordre public qui ont eu à intercéder entre les deux bandes rivales ont été sidérés de voir que «des mineurs étaient capables de tant de haine et de brutalité», témoigne l'un d'eux. Présentés au juge, une douzaine de garnements ont eu à répondre de leurs actes. Cette violence ordinaire -quotidienne, sommes-nous tentés de dire- est partout. Aux abords des établissements scolaires, dans les cités universitaires, dans les gares routières et dans la rue de façon générale. Les spécialistes attribuent volontiers ce fléau au traumatisme vécu par l'ensemble du peuple algérien durant les années 1990. Ayant grandi dans un climat d'insécurité, les jeunes générations ont été, à ce propos, les plus touchées par les effets rétroactifs de cette tragédie nationale. Les mutations socio-économiques qui ont suivi et la dislocation manifeste du tissu familial ont fait le reste. Pour rester dans le fait divers, la police judiciaire de la wilaya de Béjaïa a neutralisé, toujours dans le courant du mois de février en cours, un gang qui a dévalisé pas moins de neuf bijouteries depuis le début de l'année. L'incroyable fréquence des attaques, perpétrées un peu partout à travers les communes de la Soummam, témoigne a priori de l'amateurisme des douze membres de cette bande qui ne se sont pas donné de trêve pour au moins liquider leur butin. Agés entre 20 et 30 ans, les cambrioleurs ont été, bien sûr, arrêtés et le butin accumulé a été entièrement récupéré. La criminalité est visiblement en constante hausse. Les services de sécurité sont débordés. Des dizaines d'interpellations sont opérées au quotidien pour divers motifs. Coups et blessures, vols à la tire, délinquance, atteinte à la propriété d'autrui, les délits se diversifient chaque jour. Le malaise est perceptible partout. Il y a quelques mois, une collégienne de 17 ans a été mortellement poignardée devant le CEM d'Aït Smaïl, une petite municipalité montagnarde à l'est du chef-lieu de wilaya. La fillette, qui a poliment repoussé les avances de son assassin, a été cueillie à la fleur de l'âge à la sortie des classes. Le crime a mis tout le village, voire même l'ensemble de la région, en émoi. Une trentaine d'associations locales avaient alors organisé une marche pour dénoncer l'insécurité grandissante qui a atteint même les petits hameaux de haute montagne. L'atmosphère n'est pas plus rassurante dans les cités universitaires où de vulgaires «extras» viennent par dizaines «courtiser» la gent féminine. Grossièretés, insultes et parfois la bagarre est inévitable quand la victime se trouve accompagnée d'un proche ou d'un ami. L'absence de commodités dans les lieux publics, la promiscuité dans les gares et les arrêts de bus attirent également toute une faune de pickpockets et d'oiseaux de mauvais augure. L'usager a intérêt à se tenir constamment sur ses gardes pour ne pas se faire délester de ses bagages. L'effraction des domiciles et les vols de véhicules sont, par ailleurs, légion. Même les cabinets de médecins et d'avocats, lorsqu'ils sont quelque peu isolés, sont désormais ciblés par des voleurs de plus en plus audacieux. L'alerte est souvent donnée en retard. La police ne fait alors que constater le délit pour ouvrir une enquête qui, souvent, n'aboutit pas à grand-chose. Pour se justifier, les responsables des services de sécurité invoquent le manque d'effectifs et focalisent l'essentiel de leurs efforts sur la circulation routière, une autre jungle où les dégâts sont autrement plus dramatiques. Que faire, donc, pour endiguer ce phénomène préoccupant qu'est l'insécurité ? On nous a souvent parlé de «la tolérance zéro», mais la situation empire de jour en jour. Il est clair que tout le monde est appelé à s'y impliquer. La famille, l'école, la société civile et le citoyen ordinaire doivent impérativement apporter leur petite contribution dans ce sens. Le passant, par exemple, n'a pas le droit d'ignorer une scène où une jeune fille est molestée en pleine rue. Cela s'appelle non-assistance à personne en danger. C'est, en partie, cette indifférence-là qui donne au petit voyou l'audace qu'on lui connaît de nos jours.