Quelle portée politique donner à la dernière sortie médiatique du chef de l'Etat ? Abdelaziz Bouteflika a tenu à affirmer à travers son message adressé mardi dernier aux travailleurs à l'occasion du double anniversaire de la création de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA) et de la nationalisation des hydrocarbures, que l'Etat est déterminé à protéger l'économie nationale des pratiques parasitaires et de la fraude. «La lutte contre la corruption sous toutes ses formes se poursuivra dans le cadre de la loi qui s'inscrit, elle-même, en droite ligne des conventions et traités internationaux y afférents et dont l'Algérie compte parmi les premiers signataires.» Cette détermination affichée est lourde de sens dans le contexte actuel de déballage de gros scandales de corruption. Le lien est vite fait entre la date choisie par le premier magistrat du pays pour lancer cette mise en garde ou disons plutôt exprimer cette volonté de faire barrage à tous ceux qui saignent l'économie nationale, et le dernier scandale qui vient d'éclabousser le fleuron de l'industrie pétrochimique nationale, Sonatrach. Il s'agit pour les initiés d'une réponse claire du Président à tous ceux qui ont laissé entendre que le pouvoir protège «les siens», que, pour l'Etat, ni «les siens», ni les «amis», encore moins «un clan» ne font le poids face à l'intérêt de la nation. Abdelaziz Bouteflika vient, à travers ce message, de donner le feu vert et pleins pouvoirs à tous les services de sécurité et aux organismes de lutte contre la corruption et la fraude. Il vient également d'ordonner aux acteurs de ces organismes et de ces services de redoubler d'efforts pour mener à terme toutes les enquêtes et de commencer à enquêter à tous les niveaux dès qu'il y a une suspicion de malversation. Le message du chef de l'Etat s'adresse également aux acteurs de la justice. S'il n'y a plus de «protégé» pour l'Etat, chaque citoyen reconnu coupable par la machine judiciaire, quels que soient son rang et sa qualité dans la sphère politico-économique, devra répondre de ses actes et rendre des comptes à la société. La justice devra, aujourd'hui, être libérée de toute contrainte. Car, faut-il rappeler, cette fois encore, la phrase lâchée, un jour de printemps, par le représentant du ministère public dans le procès Khalifa : «Il y a eu trop de tapage sur l'audition de certains témoins. Je me suffis de vous dire que la volonté de réforme existe. C'est grâce à la citation du juge d'instruction que des ministres et hauts cadres ont été entendus devant ce tribunal pour que la vérité éclate, il ne faut pas l'oublier. Peut-il y avoir une plus grande transparence ? Encouragez de pareilles initiatives et battons-nous pour l'indépendance de la justice.» Est-ce un aveu de l'homme qui a pris à bras-le-corps durant plus de trois années le dossier Khalifa ? Le procureur avait ajouté : «Ne brisez pas notre volonté» avant de lancer cet appel : «Nous devons nous entraider et nous faire des concessions.» Ces phrases sont dignes d'être reprises aujourd'hui, car il faut reconnaître que l'Algérie a enfanté des citoyens qui luttent pour que justice soit faite. C'est à tous ceux-là que le chef de l'Etat a adressé son message pour que les efforts visant à bâtir une Algérie forte et stable soient coordonnés. H. Y.