Trop, c'est trop. Le gouvernement de Tel-Aviv est à bout, sa «guerre chirurgicale» contre les éléments du Hamas s'est révélée être un échec. La pluie de roquettes Qassam sur le nord d'Israël n'a pas cessé et d'autres avis de tempête sont prévus dans les prochains mois. Il est temps que tout cela cesse, vocifèrent en chœur les autorités politiques et militaires. Toutefois, ce chant de faucons se dérègle quand il s'agit de définir la méthode avec laquelle il serait possible de stopper la menace sur Sderot. Dissensions en coulisses, à chacun sa partition parmi les ténors de la fanfare de guerre. Avec plus de persévérance, les raids épisodiques contre des cibles prédéfinies à Ghaza seraient la «meilleure» attitude afin de neutraliser le parti armé de l'autre côté de la ligne verte. Les raids comme les murs ont montré leurs limites, concluent les plus radicaux au sein de l'administration israélienne. Le Hamas doit être brisé à travers une offensive militaire majeure. Autrement dit, il est vital de déclencher une guerre de juillet bis, la première ayant visé le Hezbollah chiite libanais. Les pieds dans les filets de la justice israélienne, Ehud Olmert se ligotera-t-il les poignets en décidant d'envahir la bande de Ghaza ? L'Etat hébreu parviendrait bientôt à une «croisée des chemins décisive» dans sa réponse aux attaques de la résistance palestinienne armée, a déclaré solennellement le chef de Kadima, le parti du centre radical. De toute façon, Israël ne restera pas les bras croisés face aux agissements du Hamas. Une escalade serait même indispensable, tant elle s'inscrit dans une stratégie globale qui vise à affaiblir les bras armés, présumés relais des pays «durs» du Moyen-Orient. Et ce, dans le but manifeste d'isoler un peu plus l'axe Téhéran-Damas comme vient de l'exiger le président américain de ses alliés arabes dans la région. Tous les efforts déployés actuellement par Le Caire en vue de parvenir à un accord de cessez-le-feu entre le Hamas et Israël seraient-ils voués d'emblée à l'échec ? Annonce faite, une attaque de grande envergue en territoires occupés serait en train d'être préparée minutieusement. Une hypothèse crédible, confortée par le fait que l'étranglement économique exercé depuis de longs mois par l'Occident s'est avéré peu contraignant pour l'Exécutif aux mains du Hamas. Aides financières officielles et secrètes ont fait que Ghaza a su résister tant bien que mal à l'embargo imposé par le couple israélo-occidental. Face à ces échecs successifs, la Knesset entérinera-t-elle une éventuelle décision du gouvernement de Tel-Aviv d'entrer en guerre déclarée contre le Hamas ? Bien que certains souvenirs soient tenaces -la débâcle de la soldatesque d'Olmert à Beyrouth continue d'alimenter les rapports et de pourrir les débats-, tout indique que l'armée de Barak se tient prête à en découdre avec les tireurs embusqués du Hamas. Sa marche sur Ghaza deviendrait-elle effective dès lors que la médiation égyptienne déclarerait officiellement son impuissance à concrétiser une trêve durable entre les parties en conflit ? S'il est difficile de déterminer à ce stade quelle serait la réaction d'Israël en cas d'échec définitif des pourparlers au Caire, l'escalade semblerait quasi inévitable si des missiles artisanaux venaient à atteindre de nouveau leurs cibles. Car l'administration israélienne n'est plus disposée à écouter le double de la direction politique du mouvement de feu cheikh Yacine qui consiste en partie en l'acceptation d'un Etat palestinien dans les frontières de 1967. Soit, une reconnaissance implicite de l'Etat d'Israël. Pourtant, cette modération dans le discours du parti islamiste armé n'est pas nouvelle. De son exil syrien, Khaled Mechaah en avait fait l'offre personnellement à la partie israélienne. Ce, avant que l'ancien diplomate français à la retraite Yves Aubin de la Messuzière ne rapporte fidèlement les propos tenus par les deux hommes forts du Hamas, Ismaïl Haniyeh et Mahmoud Zahar, qu'il a rencontrés récemment. A s'en tenir à son rapport de mission non officielle, les politiques du Hamas sont prêts à admettre les termes d'un accord de paix qui garantirait la naissance d'un Etat palestinien dans les frontières d'avant la guerre des Six-Jours. Plus surprenant encore aux yeux de l'ancien ambassadeur de France en Irak, c'est cette légitimité que le Hamas reconnaît à Mahmoud Abbas qui serait disposé à démissionner si le processus de paix reste bloqué. Ces gages de bonne volonté, traduits lors de contacts entre le Quai d'Orsay et le mouvement islamiste, seraient-ils suffisants à Israël pour qu'il revienne à la table des négociations ? Du moins, redresser pour le moment ses canons menaçants vers le bas ? Ce serait presque perdre son temps de demander à Barak et aux chefs militaires israéliens de baisser la garde ces temps-ci. Et surtout pas devant des mouvements de résistance qu'il considère comme des bases avancées du terrorisme international. Sinon, de véritables arcs de défense qui ralentiraient considérablement l'isolement que l'Occident et son allié israélien veulent prescrire au régime syrien et à son «grand frère» iranien. Considérant ces derniers comme «ennemis lointains», l'alliance israélo-occidentale s'attaquerait frontalement à ses «ennemis proches», le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais, dont les capacités de nuisance seraient moindres. Comprendre par là qu'il vaut mieux délimiter des fronts de lutte que d'enclencher une énième «guerre du Golfe» aux conséquences imprévisibles alors que les généraux US ont reconnu à maintes reprises la défaite de la coalition en Irak. Comptant sur le soutien de l'Occident en général et sur la partialité confirmée de W. Bush en particulier, Ehud Olmert écourtera-t-il le chemin en donnant l'ordre à ses troupes d'entrer massivement dans Ghaza ? Dans son combat sans merci contre la résistance aussi bien en territoires palestiniens occupés qu'au Liban, greffé sciemment à la guerre mondiale contre le terrorisme, il aurait de quoi légitimer une possible guerre de juillet bis. L'atout, le dernier enregistrement attribué à Oussama Ben Laden et dans lequel le chef d'Al Qaïda a appelé les musulmans à contribuer à la levée du blocus qui étouffe la bande de Ghaza. Ce, avant de s'en prendre violement aux pays arabes, accusés de bradage de la Palestine, et à cheikh Nasrallah auquel il a reproché d'avoir arrêté les hostilités contre Israël durant l'été 2006. Bien que le «différend idéologique» entre Al Qaïda et les mouvements de résistance au Moyen-Orient soit visible, palpable, Israël se réjouirait d'entretenir l'amalgame. Surtout que celui-ci lui permettrait d'affiner son discours anti-mollahs et de conforter les Occidentaux dans leur position commune qui se résume en une phrase : «Il est interdit aux terroristes [Etats et organisations paramilitaires] de détenir l'arme nucléaire.» D'en rêver même, Israël est bien décidé à faire sauter tous les fusibles, quitte à se faire électrocuter une seconde fois à Ghaza. A. D.