Dans le cadre de la lutte antiterroriste, les pays du Sahel se retrouvent pris en otages entre les groupes terroristes et le comportement double de certains pays occidentaux. Alors que ces derniers préfèrent résumer les accords d'association entre les deux rives de la Méditerranée dans le domaine sécuritaire à la question de l'émigration clandestine, les premiers tentent de faire valoir la primauté de la lutte contre le terrorisme et le crime organisé. Est-ce étonnant en fait que la résolution 1904/2009 relative aux menaces contre la paix et la sécurité internationale causées par des actes terroristes, criminalisant le paiement de rançon pour la libération d'otages décrétée par le Conseil de sécurité de l'ONU le 17 décembre dernier, émane d'un de ces pays (en l'occurrence l'Algérie) ? Ainsi, il semble y avoir un «léger» malentendu entre les deux rives de la Méditerranée sur les priorités en matière de sécurité internationale. Pourtant, l'un des rares consensus qu'a connus la scène internationale (une entité que même les dangers du réchauffement climatique n'ont pas réussi à fédérer) cette première décennie du nouveau millénaire se trouve être la lutte sans concession contre le terrorisme international. Alors que l'organisation criminelle la plus visée par ce consensus, El Qaïda en l'occurrence, présente, de l'avis de nombreux experts internationaux, des signes d'affaiblissement, certains pays européens, pour s'épargner les foudres de leurs opinions publiques, risquent de permettre un second souffle à des satellites de la nébuleuse islamiste. C'est le cas de la libération de l'otage français Pierre Camatte le mardi 23 février, qui a suscité des réactions sévères et immédiates de l'Algérie et de la Mauritanie à l'égard du Mali.Une dizaine de jours plus tôt, Bamako refusait toujours de céder aux pressions françaises. Pourtant, à la fin, va, contre toute attente, accéder aux requêtes des ravisseurs en libérant quatre terroristes appartenant à l'AQMI (El Qaïda au Maghreb islamique) revendiqués par ses deux voisins. La main de la France a encore frappé. Par l'intermédiaire de certains médias, Paris assure qu'il n'a pas versé de rançon. Une manière détournée pour dire qu'il n'a pas violé la résolution 904 dont l'encre n'a pas encore séché. Comme toute entreprise, le terrorisme a besoin essentiellement de deux éléments : l'argent et les exécutants. Libérer des criminels notoires peut être plus dangereux que de financer les groupes terroristes. Pis, avec arrogance, la France persiste et signe. Son président, pour lever toute équivoque, pousse l'effronterie jusqu'à effectuer une visite au Mali pour saluer personnellement son homologue malien pour «service rendu». Résultat de la «transaction» : un otage libéré et quatre terroristes rendus à leurs activités criminelles, réduisant ainsi à néant les efforts des services de lutte qui ont réussi, avec les risques que cela implique, à les neutraliser. Plus grave, le geste français peut devenir un faire-valoir pour tout Etat qui voit ses ressortissants enlevés par des preneurs d'otages. L'Espagne, par exemple, qui déplore l'enlèvement de trois membres d'une association humanitaire depuis le 29 novembre dernier détenus au nord du Mali. Forte de son succès, l'AQMI exige une nouvelle libération de ses membres écroués en Mauritanie en échange des otages espagnols. Nouakchott affiche un refus catégorique. Du côté de Madrid, pour l'heure, on fait la sourde oreille et affiche une attitude de fin de non-recevoir. Le 21 février dernier, le quotidien espagnol El Mundo, reprenant une source gouvernementale, annonçait que le gouvernement espagnol allait payer une rançon de cinq millions de dollars à une branche maghrébine d'El Qaïda pour la libération des trois otages. Une information ni confirmée ni infirmée. Qu'est-ce qui empêche maintenant le royaume de Juan Carlos 1er de suivre l'exemple de Sarkozy ? Le cas de la libération de l'otage français fait jurisprudence. La vie d'un Français était-elle plus importante que celle de trois Espagnols ? Pendant ce temps de réflexion, de négociations et de pression, il faut noter que les premières victimes de l'AQMI sont les pays du Sahel. Les répercussions sécuritaires, humanitaires et économiques de cette «guerre contre le terrorisme», ils sont seuls à les supporter. Si ces Occidentaux n'arrivent pas à prêter main-forte à cette lutte, préférant isoler ces entités territoriales et inscrire leurs ressortissants sur des listes noires, qu'ils aient au moins la décence de les laisser mener leur combat. S. A.