Dans une écriture fluide et émouvante, Hamid Skif dresse des portraits poétiques de femmes de la casbah dans son dernier ouvrage, les escaliers du ciel, publié récemment aux éditions Apic.A travers les nouvelles intitulées la Danseuse, Djowhar, Chahrazed, le Monstre, la Téléspeakerine, Rabea, les Mégères, Roukia et la Rêveuse, l'auteur entraîne les lecteurs dans les dédales des ruelles de l'antique citadelle pour partager le quotidien, les désillusions, les espoirs et les rêves de ces femmes emblématiques, de toutes les Algériennes. Si certains portraits sont tendres et pleins de poésie, d‘autres sont sans artifices et dévoilent avec un zeste d'humour ce qu'il peut y avoir de plus sombre dans la nature féminine. Qu'elle soit épouse, étudiante, belle-mère, sœur, vieille fille, ou tout simplement rêveuse, Hamid Skif pénètre au cœur de l'âme de ces femmes pour partager avec les lecteurs leurs plus profondes pensées et leur vie tout simplement. Les Escaliers du ciel est un véritable hymne à la femme, non pas celle idéalisée dans les fantasmes masculins ou celle des salons lettrés, mais plutôt celle qui côtoie tout les jours les difficultés, emmurées dans le bastion des préjugés sociaux avec leurs qualités et leurs défauts mais toujours avec leur sensibilité féminine. Ainsi, qu'elle aie l'esprit léger de l'insouciance juvénile ou le cœur lourd et aigri par le poids des vicissitudes de la vie, chaque femme décrite dans ce recueil de nouvelles est un fragment de notre société qui vie sa vie pour le meilleur et le pire entre espoirs et regrets. A ce sujet, dans la postface, Anissa Kahla écrit : «C'est par les voix des femmes d'Algérie, une Algérie des profondeurs que s'exprime l'auteur. Le prétexte est la Casbah, ce bastion de notre histoire qui meurt chaque jour, ensevelissant des centaines d'années d'histoire et un peuple souffrant, mais si fier, si obstinée et dont le combat des femmes est le symbole.» L'ouvrage est agrémenté d'illustrations d'Elsie Erbeisntein, dont les lignes tout en rondeurs épousent parfaitement l'écriture poétique de Hamid Skif. L'auteur dédie le livre à la mémoire de Lilianne El Hachemi dont la miniature lui a inspiré le livre. Le premier texte intitulé Lettre à Liliane, écrit en 1998, l'auteur souligne : «Cette assiette blanche brisée au bord de la Méditerranée te manque et c'est à moi que tu confies la mission de faire parler la Casbah qui n'est plus. J'ai pris soin de te parler du passé. A peine du présent […].» Au final, le ton de la narration, la première personne de singulier, permet de redonner la parole à ces femmes qui n'aspirent qu'à gravir les escaliers du bonheur. Ces femmes courages qui, parfois, finissent aigries ou, au contraire, aspirent à lutter pour une meilleure reconnaissance de leur existence. En ce 8 mars, ces femmes auront droit à toutes les attentions durant une journée. Elles pourront encore rêver en des lendemains meilleurs tels qu'Abla, la petite fille qui a su vaincre le monstre malgré la lâcheté de ses compagnons de jeu. Cette petite fille qui atteindra le ciel de tous les espoirs. En fermant le livre, on se souviendra des paroles de la rêveuse : «Je suis filles des rumeurs anciennes, celles qui tressent le vent et lui donnent un visage humain. Mes rêves tourbillonnent au-dessus des collines, s'évaporent, ressuscitent, ne meurent jamais en cris de mouettes perdus au ras des flots.» S. A.