Le président des Etats-Unis a dépêché, cette semaine, deux émissaires au Proche-Orient pour discuter avec Israël, l'Autorité palestinienne et les pays voisins de la possibilité de relance des pourparlers de paix dans la région. Comme à l'accoutumée, c'est son vice-président Joe Biden et l'envoyé spécial au Proche-Orient George Mitchell qui ont été désignés pour accomplir cette difficile mission diplomatique. Cette nouvelle tournée intervient au lendemain de l'annonce faite par les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe qui ont approuvé l'idée d'une ouverture de pourparlers indirects israélo-palestiniens, dans l'espoir de trouver un terrain d'entente entre les différentes parties en conflit. Tel-Aviv a salué cette décision mais l'Autorité palestinienne semble sceptique quant à la réussite de ces discussions indirectes même si elle a aussi accepté de jouer le jeu. La Ligue arabe a par ailleurs limité les négociations indirectes à quatre mois seulement. La communauté internationale s'est réjouie pour sa part de la disponibilité des deux parties, israélienne et palestinienne, à donner un autre souffle au processus de paix dans la région. Réuni à Ramallah, siège de l'Autorité palestinienne en Cisjordanie, le Comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) a entériné l'idée de la Ligue arabe et a validé l'ordre du jour proposé par les Etats-Unis. «La direction palestinienne a décidé de donner à la proposition américaine une chance, à condition que ces pourparlers soient centrés sur les deux sujets des frontières et de la sécurité», lit-on dans un communiqué publié dimanche. L'OLP ne se fait pas toutefois trop d'illusions quant à l'aboutissement de ces pourparlers indirects. Même point de vue chez les dirigeants du Fatah, dirigé par le président palestinien Mahmoud Abbas. «Il est peu probable que ces négociations indirectes avec le gouvernement de [Benjamin] Netanyahu réussissent, mais nous voulons donner une chance à l'administration américaine afin qu'elle poursuive ses efforts», a ajouté Azzam Al Ahmed, chef de la délégation du Fatah, lors d'un point de presse tenu dimanche matin. Par ailleurs, pour que les négociations se poursuivent au-delà des quatre mois fixés par la Ligue arabe, elles doivent aboutir à un accord «sur les frontières de 1967 comme base des deux Etats» (Palestine et Israël), a averti l'OLP. Le jour même, l'émissaire américain George Mitchell a entamé une série de discussions avec les dirigeants israéliens, principalement le ministre de la Défense Ehud Barack et le Premier ministre Benjamin Netanyahu. Il devait rencontrer hier le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas qui refuse de reprendre les négociations directes, à l'arrêt depuis quinze mois, sans le gel total de la colonisation israélienne en Cisjordanie et El Qods occupées. Le gel de la colonisation israélienne dans les territoires palestiniens occupés constitue la principale condition de Mahmoud Abbas pour rencontrer, dans le cadre de ces négociations, son vis-à-vis israélien, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Celui-ci a signifié aux présidents palestinien et américain une fin de non-recevoir concernant cette lancinante question des colonies juives qui empiètent sur des terrains appartenant à la population palestinienne. Depuis le début de l'année 2009 et jusqu'à ce jour, une dizaine d'autorisations ont été délivrées par Tel-Aviv pour le lancement de nombreux projets de construction de logements et de blocs administratifs, scolaires et sanitaires en Cisjordanie et El Qods que les Palestiniens réclament comme leur future capitale. Hier encore, le ministre de la Défense hébreu, Ehud Barack, a donné le feu vert pour la construction de 112 logements dans la colonie de Beitar Illit, en Cisjordanie occupée, prétextant des raisons sécuritaires. Le mois dernier, les autorités de l'occupation israélienne ont adopté un projet de construction de 600 logements dans un autre quartier de la colonisation à El Qods-Est. A la mi-novembre 2009, Israël avait annoncé son intention de lancer un autre projet de 900 appartements dans la colonie de Gilo, située elle aussi à El Qods-Est, suscitant ainsi la désapprobation unanime de la communauté internationale. Pourtant, les autorités israéliennes avaient déclaré qu'elles avaient accepté d'adopter un moratoire pour un arrêt partiel de la colonisation d'une durée de dix mois. L'idée d'un moratoire avait été rejetée en bloc par les Palestiniens, toutes tendances confondues. Les multiples rencontres qui ont eu lieu depuis l'accession d'Obama à la tête des Etats-Unis en 2008, entre son envoyé spécial George Mitchell et les responsables palestiniens, syriens, jordanien, libanais et israéliens ont toutes fini en queue de poisson à cause justement du refus par Benjamin Netanyahu de geler totalement ces colonies. Si cette question n'a pas été inscrite à l'ordre du jour des discussions indirectes qui devraient s'ouvrir dans quelques jours, elles finiront par revenir sur le devant de la scène tôt au tard. Ce qui risque de compromettre les chances d'une relance effective des pourparlers directs israélo-palestiniens, sous la médiation des Etats-Unis de Barack Obama. A noter que les pays européens ont commencé, eux aussi, à bouger dans l'intention de chapeauter les négociations sur le processus de paix au Proche-Orient ; mais sauront-ils convaincre Tel-Aviv d'observer un gel total de ses colonies ? Ce n'est pas évident tant que le gouvernement israélien est dirigé par la droite à laquelle appartient le Premier ministre et par l'extrême droite qui pèsent lourdement sur la politique du pays, en la quasi-absence de la gauche israélienne qui semble dépassée par les évènements. L'OLP, le Fatah et de nombreux analystes de la question palestinienne ne sont pas les seuls à douter de la réussite des prochains pourparlers indirects. Israël doute même de la détermination américaine de relancer le processus de paix avec les Palestiniens, selon un document interne du ministère israélien des Affaires étrangères, a révélé le quotidien hébreu Haaretz. Selon le document, «le conflit israélo-palestinien ne devrait pas constituer une priorité pour le président Barack Obama», trop occupé par des questions internes et la guerre en Afghanistan. Mais c'est surtout l'éternelle question du gel de la colonisation qui finira par rendre inutiles les tournées de George Mitchell au Proche-Orient. L. M.