De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar La qualité du service public de transport de voyageurs laisse à désirer. Tous les usagers en témoignent. Malgré les mesures franchement dissuasives des autorités pour limiter l'achat de véhicules particuliers, les citoyens n'ont, en vérité, aucun autre recours pour effectuer leurs déplacements dans de bonnes conditions. Les transporteurs, exclusivement privés, n'offrent pas la qualité tant désirée par leurs clients. Manque d'hygiène dans les bus, accueil calamiteux, langage ordurier, promiscuité, insécurité et horaires incertains, le minimum de commodités n'y est plus. Faute de professionnalisme, le promoteur privé n'obéit plus à aucune éthique. Il ne démarre et ne s'arrête que quand cela lui plaît, fait monter les autostoppeurs comme de vulgaires «clandestins», et gare à celui qui, parmi les passagers, oserait protester. Pour rattraper le temps perdu dans la chasse anarchique aux clients, le chauffeur appuie fortement sur le «champignon» en mettant en péril des dizaines de vies. Il arrive souvent que des bus finissent dans un ravin ou entrent en collision avec d'autres véhicules. Les dégâts humains sont alors catastrophiques. Aux yeux de tout le monde, la tutelle a perdu le contrôle de ce secteur stratégique depuis belle lurette. Les «syndicats», ou plus exactement des organisations patronales, dont la légitimité est contestable à plus d'un titre, imposent leur diktat au reste de leurs partenaires. Les «syndicats» font la pluie et le beau temps Craignant fortement de probables mouvements de contestation qui paralyseraient d'autres domaines d'activité, les autorités évitent, souvent, de contrarier ces fameux syndicats qui font ouvertement la pluie et le beau temps. On leur a «officieusement» laissé le soin d'établir les plannings de rotation, comme ils ont une énorme autorité dans l'attribution de nouvelles licences. Tout nouveau promoteur doit bénéficier de «la bénédiction implicite» de ces organisations, contrôlées essentiellement par de nouveaux arrivants bien «fortunés». Les anciens, qui connaissent plus ou moins les rudiments du métier, sont aujourd'hui minoritaires, et soumis aux lois de cette «mafia» qui ne dit pas son nom. Il leur arrive cependant de se regrouper pour interpeller épisodiquement la tutelle par des lettres de protestation, mais aucune suite ne leur a été accordée à ce jour. On doit dire franchement qu'ils ne font pas «le poids». Dans plusieurs correspondances transmises aux autorités concernées, des transporteurs de la région Est de Béjaïa ont, à maintes reprises, dénoncé cette descente aux enfers, s'estimant lésés par les nouveaux horaires qui leur ont été imposés depuis 2007 et s'insurgent contre l'anarchie et le laisser-aller ambiants. Dans le réaménagement horaire imposé par «le syndicat», cette minorité d'anciens transporteurs s'est vu attribuer les heures «creuses». Les nouveaux membres influents de l'organisation se sont, bien évidemment, attribué les heures de grande affluence. Les protestataires insistent en vain sur le critère de l'«ancienneté et de l'expérience» dans l'élaboration du planning en question, et accuse leurs supposés représentants d'avoir falsifié des P-V de réunion qu'ils avaient émargés à cet effet. La même situation caractérise aussi le transport urbain de la ville de Béjaïa. Au moment où les quartiers éloignés et difficiles d'accès déplorent l'insuffisance des dessertes (Tizi, Ihaddaden Oufella, Oussama, Ighil El Bordj), les cités à forte concentration populaire se plaignent de la cadence «des courses» entre bus rivaux qui se soldent par des accidents récurrents. C'est le cas de la cité dite des 600 logements à Ihaddaden où se chevauchent les lignes 4, 13 et 19. Les habitants de cette cité ont récemment alerté les pouvoirs publics pour atténuer cette pression qui a fait beaucoup de victimes parmi les enfants. Pour le même trajet, le prix exigé diffère d'un autocar à l'autre. Si, par exemple, vous allez de Béjaïa à Souk El Thenine, le déplacement peut vous coûter 30 ou 35 dinars. Cela dépend de la tarification qui vous sera appliquée par le receveur. Ces tarifs aléatoires restent valables pour toutes les autres destinations. Au-delà de ce problème du coût, qui change selon l'humeur du prestataire, les transporteurs procèdent constamment à l'augmentation des prix sans consulter la tutelle ni avertir au préalable la clientèle. Les protestations conséquentes des usagers butent toujours sur la sacro-sainte loi de la liberté des prix. Mais quand il s'agit d'un service public aussi vital, on ne peut objectivement invoquer un tel prétexte. Se déplacer pour aller à l'école ou au travail n'est, tout de même, pas un luxe sur lequel il est moralement admis de surenchérir. L'absence de l'Etat dans ce créneau, aussi important que la santé publique, a ouvert la voie à cette dérive monopolistique extrêmement grave. Etant en situation de monopole absolu après la dissolution des régies communales de transport et l'entreprise publique SNTV, les «syndicats» imposent, là aussi, leurs intérêts sonnants et trébuchants à tout le reste. L'Etat s'est également désengagé de l'entretien et de l'aménagement des gares routières et autres arrêts de bus. Des dizaines de milliers d'usagers attendent quotidiennement l'autocar sur des terrains vagues ou sur des trottoirs sans le moindre abri au-dessus de leurs têtes. L'arrêt de l'arrière-port, qui dessert les localités de la région du littoral (Tala Hamza, Tichy, Boukhelifa, Amizour, Barbacha, Aokas, Souk El Thenine, Melbou, Darguina, Taskriout, Aït Smaïl, Kherrata et Draa El Gaïd) ne dispose d'aucune commodité. Même pas un cabinet de toilette. Boueux en hiver, poussiéreux en été, l'endroit est ouvert aux quatre vents. Saletés, odeurs nauséabondes (exutoire du réseau d'assainissement de la ville) et insécurité, la liste des indispositions peut être allongée à l'infini. Idem pour le terminus du stade de l'OPOW, destiné aux usagers de la vallée de la Soummam (Oued Ghir, El Kseur, Sidi Aïch, Seddouk, Akbou, Tazmalt, Chemini, Beni Melikèche, Semaoune, Timezrit…). Ne disposant ni d'abribus ni de toilettes publiques, cette aire de stationnement fait pourtant office, depuis plus d'une vingtaine d'années, de gare «provisoire» à des centaines de milliers d'usagers. On peut en dire autant pour la gare inter-wilayas de Lekhmis, sauf que cette dernière bénéficie de son emplacement au beau milieu de la ville où les gens ont d'autres moyens pour s'abriter du mauvais temps ou se soulager d'un besoin pressant. Cette situation pénalisante n'a que trop duré. Les autorités de tutelle doivent absolument y remédier. Un service public aussi important que le transport mérite un peu plus d'égards. L'Etat doit évidemment s'y impliquer fortement pour mettre fin à l'anarchie et offrir le minimum de commodités aux usagers.