De notre correspondant à Béjaïa Kamel Amghar Bien avant qu'on nous parle de cette notion moderne de démocratie participative, nos ancêtres avaient déjà mis en place les structures nécessaires pour se prendre en charge et veiller au quotidien sur la chose publique. Dans toutes les régions d'Algérie, les citoyens s'organisaient, depuis la nuit des temps, en comités pour faire face aux impératifs de la vie collective. Dans les villages comme dans le milieu urbain, les habitants constituent leurs conseils pour perpétuer la solidarité communautaire et solliciter l'assistance des pouvoirs publics en cas de besoin. La Kabylie est, sans aucun doute, la région qui a intégralement sauvegardé cet aspect séculaire de la représentation sociale. Dans chaque village et chaque hameau, on trouve un comité, périodiquement élu en assemblée générale, qui s'occupe en permanence des affaires locales dans leurs moindres détails. La réparation des routes, l'extension du cimetière, la restauration de la mosquée, le captage d'une source d'eau, la célébration de timechret, l'appel au volontariat, le soutien à un grand malade : les missions de ces assemblées autonomes touchent à tous les secteurs de la vie. Cependant, c'est au niveau de la campagne que l'influence de ces structures est encore parfaitement intacte. Dans la wilaya de Béjaïa, il se trouve encore des villages où tajmaat s'emploie à aplanir les litiges entre les familles et à assurer une espèce de médiation entre les différents acteurs locaux. Elle bénéficie d'une autorité certaine et compte comme interlocuteur fiable des pouvoirs publics. Le comité de village fonctionne, généralement, sur des fonds propres qui proviennent des cotisations des citoyens et des aides de particuliers aisés. Autrefois, pour l'édification d'une nouvelle mosquée, par exemple, tous les foyers apportaient leur contribution. Tous les villages sont, ainsi, propriétaires de leur propre mosquée. Tout le monde, hpratiquant ou non, participe à la construction de celle-ci par une contribution financière, d'abord, et une présence indispensable aux travaux de volontariat, ensuite. Dans le cas des petits hameaux pauvres et sans ressources suffisantes, on sollicite auprès des services de la wilaya une autorisation de collecte d'argent au-delà des limites géographiques du village. Le comité s'organise, alors, pour envoyer des percepteurs dans d'autres villages et même dans les villes où ils trouvent, souvent, des mécènes pour la concrétisation du projet. Les assiettes de terrain et les dépendances foncières sont généralement cédées gratuitement par des particuliers. La direction des affaires religieuses se charge uniquement de l'affectation de l'imam qui y professera la parole divine. Pour une école, un dispensaire ou tout autre équipement d'intérêt général, le comité, en concertation avec l'ensemble des villageois, désigne le terrain d'implantation. Aujourd'hui, pour des raisons évidentes de démographie, on a beaucoup de mal à dégager des assiettes pour les établissements publics. Les difficultés financières poussent aussi les comités de village à solliciter, souvent, les APC qui, généralement, répondent à leurs appels dans la mesure des moyens disponibles. Le champ d'intervention des comités de village s'est aussi élargi pour toucher à d'autres préoccupations comme l'environnement, le social, la culture, le tourisme, le sport, le transport et les communications. Dans des communes comme Beni Ksila et Tizi N'Berber, tajmaat travaille à la promotion de l'écotourisme et investit dans la restauration et la rentabilisation d'anciens villages. Dans d'autres localités comme Feraoun et Aït Smaïl, on œuvre à la préservation de la faune et de la flore comme on encourage le travail des femmes au foyer. Des subventions provenant d'ONG internationales sont, ainsi, employées à lancer des campagnes de sensibilisation aux questions écologiques ou à acquérir du matériel de couture et de tricote au profit des femmes sans emploi. Des dossiers comme ceux-là sont, ainsi, dûment constitués à l'adresse des institutions et des organisations culturelles internationales pour l'octroi d'aides financières à cet effet. La gestion des déchets ménagers et des eaux usées, la qualité du réseau routier, la disponibilité des services comme le transport, le téléphone et l'Internet font partie des doléances exprimées par les comités de village à l'endroit des autorités locales et des opérateurs économiques. Les rapports entre le village et les acteurs institutionnels et économiques se sont même sensiblement améliorés au cours de ces dernières années. L'APC, la daïra et les entreprises chargées des services publics vitaux (ADE, Sonelgaz, AT, etc.) accordent un intérêt certain aux représentants de la campagne. En ville, les comités de quartier ont, toutefois, un peu moins d'influence. Beaucoup moins mobilisés et minés par d'insignifiantes considérations politiques, les comités de quartier sont périodiquement déstabilisés par des crises internes. Retraits de confiance, scissions et manipulations électorales, ces comités peinent à mobiliser tous les citoyens. Ce défaut d'autonomie fragilise leur position face aux autorités. Il est, aujourd'hui, établi que le comité de village dispose d'une marge de manœuvre bien supérieure à celle de son équivalent en ville. Le facteur de cohésion sociale et un certain sentiment de filiation jouent manifestement en faveur du premier. En mettant les intérêts de la communauté villageoise au-dessus de toute autre considération, tajmaat sauvegarde son âme et garde son autorité. Les comités de quartier et les syndics des cités en ville gagneraient beaucoup à s'en inspirer.