Photo : Riad Par Abderrahmane Semmar En dépit des avancées notables accomplies par les Verts au niveau continental et mondial, le football algérien continue de sombrer dans une crise aiguë qui n'en finit toujours pas de connaître des épisodes de plus en plus obscurs. La récente exclusion de l'EN de pas moins de six joueurs locaux, Zaoui, Babouche et compagnie, de la sélection nationale n'a fait qu'enfoncer davantage le championnat de football dans une spirale d'interrogations. L'Algérie est-elle capable de former des joueurs de niveau mondial ? Telle est la question que se posent aujourd'hui de nombreux techniciens avertis. Une problématique qui tourne vite à la hantise et à l'angoisse puisque les succès de la sélection nationale ne sont en réalité, avoue Rabah Madjer, que «l'arbre qui cache la forêt». Et quelle forêt ! Si l'Algérie a trouvé désormais son salut grâce aux joueurs professionnels évoluant en Europe -pratiquement tous sont nés en France et formés dans des centres et autres écoles de football de l'Hexagone-, l'avenir ne s'annonce, quant à lui, guère radieux au regard de la terrible baisse de niveau du Championnat national de football et des mauvaises prestations des clubs locaux, lesquels ne «produisent» plus de joueurs aptes à répondre aux exigences du haut niveau. L'Algérie, qui ne peut compter éternellement sur ces joueurs d'origine algérienne évoluant sur les pelouses du Vieux Continent, risque donc de vivre, encore une fois, une cruelle traversée du désert. Il faut dire que, d'une journée à l'autre, cet effrayant constat se vérifie aisément sur nos terrains. En effet, force est de constater que nos clubs n'arrivent plus à réaliser de performances malgré le renfort de choix opéré à coups de milliards en début de saison. Après quelques titres remportés par l'ES Sétif et la JS Kabylie, chargés d'espoir, notre football est revenu à ses travers : contestation des arbitres, attaques inexistantes, entraîneurs «démissionnés» ou en danger, indiscipline des joueurs à l'intérieur et hors du terrain, dissensions au sein des bureaux directeurs, supporters en colère, etc. Pis, après quelques années qui ont vu éclore et émigrer quelques talents, les bons joueurs se font de plus en plus rares ou alors évoluent dans des ambiances guère propices à la progression. Autre constat, autre inquiétude. Joueurs et entraîneurs ne parlent presque plus de football et ce sont les présidents qui s'affichent, parlent de technique et de tactique, font à leur guise le choix des joueurs et des entraîneurs. C'est aussi la rue qui décide de débarquer tel technicien ou de recruter tel autre. Des pratiques qui n'obéissent à aucune logique sportive ont fait ainsi leur apparition depuis des années dans notre pays et continuent à se renforcer dans l'indifférence générale et le mépris total de la conscience et de l'éthique. Dans ce contexte, le jeu est le grand absent de nos stades par les temps obscurs qui courent. Si auparavant des affiches telles que JSK-MCA, USMA-MCA, ESS-JSK faisaient saliver de plaisir les supporters, aujourd'hui elles n'attirent plus grand monde. Des derbys passent carrément inaperçus et la rue ne s'enthousiasme que pour les matches de l'équipe nationale. Le verdict de la rue est donc clair : les turpitudes de la FAF, les incohérences des clubs, le manque de sérieux des joueurs et des entraîneurs ainsi que l'indélicatesse des dirigeants ont fini par provoquer le ras-le-bol et le dégoût des Algériens. Toutefois, au lieu d'opérer une remise en cause générale et une profonde introspection, les dirigeants de nos clubs et de nos instances préfèrent invoquer des problèmes financiers pour justifier les égarements et les dépassements en tout genre. Comme si bien diriger et bien jouer nécessitaient plein de billets en poche. Pourtant, par rapport à bon nombre de clubs africains, les équipes algériennes ne manquent pas d'aisance. Des clubs comme le MC Alger et la JS de Kabylie, l'USMA ou d'autres encore sont appuyés régulièrement par des annonceurs solides. Or, ces mêmes clubs font rarement preuve de transparence dans leur comptabilité. Certains d'entre eux, bénéficiant d'importantes subventions, enchaînent fréquemment les contre-performances. Pour preuve, que de fois n'a-t-on vu des clubs changer d'entraîneur, de président, pour se retrouver ensuite avec des résultats catastrophiques. Au niveau continental, même les équipes les plus constellées d'étoiles n'arrivent plus à passer le tour des poules en Champions League africaine, la plus prestigieuse compétition du continent noir. A côté des clubs tunisiens, égyptiens, nigérians ou autres, les clubs algériens ne sont que des formations amateurs incapables de représenter honorablement leurs couleurs dans des compétitions internationales. Malheureusement, la frustration suscitée par cette régression de notre football s'est traduite chez les supporters par une violence physique et une dégradation de la morale, lesquelles gagnent dangereusement les terrains. Elles envahissent pratiquement tous les domaines. Les dépassements enregistrés du côté des travées où le public manifeste souvent son courroux d'une manière peu orthodoxe témoignent à eux seuls de la dérive où va notre football. Aujourd'hui, il est plus qu'urgent de réconcilier les Algériens avec leur football. Mais à condition que celui-ci se professionnalise et adhère enfin aux véritables valeurs universelles du sport.