Photo : Riad Par Abderrahmane Semmar Les jeunes, voilà un concept qui a toujours été difficile à cerner en Algérie. Il faut dire que, dans, notre pays, la jeunesse a, de tout temps, été synonyme de frustration, d'exclusion, de chômage et de précarité. La harga est venue ces dernières années aggraver davantage le fossé de l'incompréhension qui mine terriblement notre société, laquelle s'avère incapable d'adapter son fonctionnement et ses valeurs aux aspirations de ces jeunes. Cela dit, la semaine dernière, à la faveur de la qualification des Verts au Mondial sud-africain, cette même jeunesse a démontré au monde entier que son patriotisme, sa fougue et son engagement infaillible pour soutenir son pays ne sont plus à démentir. La mobilisation extraordinaire de ces jeunes autour de l'équipe nationale de football a coloré le pays entier et leurs chants et cris d'encouragement ont semé la joie et l'espoir dans chaque recoin de cette Algérie naguère livrée à la sinistrose. Le stéréotype qui veut que les jeunes soient des bons à rien et des défaitistes est sérieusement battu en brèche. Toutefois, l'élan sublime qui a éclairé le ciel obscur de notre pays risque fort de ne pas être absorbé à bon escient par les pouvoirs publics. Preuve en est, les structures chargées de répondre aux attentes des jeunes, à savoir les maisons des jeunes et les offices des établissements de jeunes (ODEJ), brillent toujours par leur absence et leur inefficacité sur le terrain. Mis à part quelques évènements ponctuels et quelques manifestations éphémères, la plupart de ces structures ferment leurs portes à des jeunes créatifs désireux de s'émanciper de leur quotidien morose. Pourtant, en raison de leur statut, les ODEJ sont rattachés au ministère de la Jeunesse et des Sports et, tout en étant représentés dans chaque wilaya, ils ont pour principale mission d'assurer la mise en œuvre des programmes d'information de communication, d'écoute, d'animation socio-éducative et d'insertion en milieu de jeunes. Conformément au chapitre I, article 5 du décret exécutif n° 07-01 du 06 janvier 2007, les ODEJ doivent organiser, animer et gérer des activités socio-éducatives, culturelles et de loisirs en direction des jeunes. Il est également de leur responsabilité d'organiser des activités de plein air et de tourisme éducatif des jeunes. Par ailleurs, il leur est demandé de développer des activités de proximité et de contribuer à la promotion et l'accompagnement du mouvement associatif en milieu de jeunes. Malheureusement, ces louables missions ne sont nullement accomplies sur le terrain. Une simple virée dans les maisons des jeunes, placées sous l'égide des ODEJ, nous apprendra que ces structures sont désertées par leurs responsables, lesquels se contentent de programmer quelques formations superficielles. Il faut savoir que, dans tout Alger, on recense seulement 34 maisons de jeunes alors que la wilaya d'Alger compte à elle seule 57 communes. C'est dire si les espaces consacrés aux jeunes à Alger font réellement défaut. D'autre part, les activités des 34 maisons de jeunes d'Alger se caractérisent par une indigence attristante. Les concerts de musique, les tournois sportifs ou autres activités de divertissement sont si rares dans ces maisons des jeunes que la frange juvénile a fini par les bouder. Il faut dire qu'elle servent davantage de salles des fêtes que espaces d'épanouissement de la jeunesse en proie au désœuvrement dans les quartiers. Sur un autre chapitre, on déplore aussi l'absence de passerelle entre ces ODEJ et les jeunes qui, souvent, ne savent même pas que de telles structures existent. Cela s'explique en réalité par le manque criant d'un travail de sensibilisation envers ces jeunes. Pourtant, plusieurs de ces ODEJ disposent de sites Internet. Des sites non actualisés pour la plupart et incroyablement insipides aux yeux des internautes. On n'y trouve pratiquement aucune information relative à la jeunesse mis à part des liens et des adresses d'institutions. Comment expliquer une telle carence alors que les ODEJ sont censés être des banques de données chargées d'organiser dans ce cadre un système d'information impliquant la collecte de l'information, son traitement et sa diffusion auprès des jeunes. Cette déficience en communication est encore plus burlesque quand on sait que les ODEJ sont dotés de la personnalité morale et de l'autonomie financière. Où va l'argent accordé par l'Etat à ces structures supposées prendre en compte les préoccupations des jeunes ? A cette question, de nombreux jeunes souhaiteraient obtenir une réponse. Il est à souligner dans ce sillage que la majorité des maisons des jeunes dans notre pays a besoin d'une réhabilitation et d'une dotation d'équipements et de matériels pédagogiques. Souffrant d'un déficit en matériel audiovisuel et informatique, beaucoup d'entre elles ne possèdent même pas une bibliothèque, une liaison Internet avec les loisirs, des instruments de musique ou des tenues pour des ensembles vocaux ou des troupes folkloriques. Comment peut-on, dans ces conditions, associer des jeunes à des activités de loisirs ? Il est clair qu'un sérieux problème se pose dans la politique de l'Etat dans ce secteur. C'est à se demander même, au regard de ces dysfonctionnements, si l'Etat se préoccupe réellement des aspirations et de l'épanouissement de la jeunesse algérienne. Une jeunesse qui, faut-il le rappeler, n'a pas attendu une main chaleureuse des autorités pour se mobiliser spontanément en faveur de son équipe nationale, arborant fièrement son amour du pays. Ces mêmes jeunes que les ODEJ et les maisons de jeunes délaissent et ignorent, se sont évertués, seuls et avec de maigres moyens, à confectionner des drapeaux, peindre les murs des rues aux couleurs du pays, composer des chansons ingénieuses, lancer de superbes vidéos sur Internet, etc. Leur génie est donc apparu au grand jour. Leur fougue et leur énergie créative débordante ont éclipsé pour une fois le mal-être qui ronge notre société. Livrés au chômage, à la précarité et à la misère sociale, ces jeunes ont su dépasser tout cela pour transformer le pays en une scène de liesse. Face à cet extraordinaire sursaut de créativité, qu'a-t-on vu de la part des pouvoirs publics et de leurs ramifications intentionnelles, telles que les ODEJ et les maisons de jeunes ? Rien, absolument rien, hormis des promesses pour un lendemain enchanteur que les jeunes ne veulent plus «gober» naïvement. Qu'on se le dise en toute franchise, cette ferveur de nos jeunes surgie après un simple match de football risque, encore une fois, d'être détournée, à défaut d'une politique efficiente à l'égard de notre jeunesse abandonnée à sa triste condition sociale. Combien de matches faut-il que les Verts gagnent pour qu'on remédie une fois pour toutes à cette incurie de notre gouvernance ?