C'est vieux comme le monde, l'argent est le nerf de la guerre. Sans ressources financières conséquentes, aucun conflit armé ne pourrait s'inscrire dans le temps ni s'étendre dans l'espace au point de faire trembler des Etats entiers. Avoir le contrôle sur les mouvements interbancaires et les opérations de blanchiment de l'argent sale revient à prévenir et à neutraliser le danger sans faire de dégâts majeurs. Dans sa stratégie de lutte contre le terrorisme, l'Algérie plaide constamment pour le tarissement des sources de financement de celui-ci. C'est un préalable fondamental à toute autre forme de coopération. Durant les années 1990, au moment où l'Algérie faisait face dans l'adversité à une vague terroriste sans commune mesure dans l'histoire, les relais de la nébuleuse djihadiste jouissaient de toutes les libertés dans les pays occidentaux. Les apôtres du chaos algérien y avaient ouvertement établi leurs comptoirs. De 1993 à septembre 2001, tous les pays occidentaux (France, Angleterre, Allemagne, Espagne, Italie et Etats-Unis) supportaient la présence des activistes islamistes qui y collectaient les finances pour l'achat d'armes devant alimenter leurs maquis sanguinaires en Algérie. Ce n'est un secret pour personne. Défaits sur le champ militaire et désavoués sur le terrain politique, les mouvements terroristes se sont recyclés dans la contrebande, le trafic de drogue et le kidnapping pour assurer leur survie. C'est le cas du GSPC qui s'est médiatiquement rallié à El Qaïda afin de «recruter» en dehors du territoire national où il s'est définitivement discrédité. Leurs réseaux de soutien complètement démantelés, les desperados du salafisme guerrier, qui éprouvent tout le mal du monde à s'approvisionner en vivres et en médicaments, battent en retraite en se redéployant dans les pays voisins de la bande sahélo-saharienne. Profitant du climat d'instabilité chronique qui affecte épisodiquement les Etats de la région, les hordes terroristes ratissent cette zone sensible où elles se livrent à des activités mafieuses pour se refaire une santé. La séquestration de ressortissants occidentaux constitue leur sport favori. Ça marche à tous les coups, puisque de l'autre côté de la mer on accepte volontiers de «passer à la caisse» pour racheter la liberté des «touristes» et des «humanitaires» pris en otages. Allemands, Autrichiens, Français ou Italiens ont à chaque fois consenti le payement de substantielles rançons sous le manteau contre la libération des «aventuriers» encagés dans le désert. Récemment encore, la France, via le Mali, a obtenu la délivrance de l'un de ses espions –étiqueté humanitaire- contre l'affranchissement de quatre dangereux terroristes, et probablement un «peu d'argent» en bonus. Résultat des courses : l'argent des rançons accroît démesurément le danger dans la mesure où il permet aux criminels d'engager davantage de mercenaires et de s'approvisionner en armes. Les pays sahariens, en proie à de récurrents conflits frontaliers et d'insistantes révoltes internes, sont les premières cibles de ce monstre qu'on engraisse à coups de millions d'euros et de dollars. Ce double jeu exaspère profondément Alger qui abrite en ce moment une conférence régionale sur la lutte contre le terrorisme dans la zone sahélo-sahélienne afin d'éclaircir les choses. Paradoxalement, même les payeurs de rançons s'en félicitent. Il est clair que la langue de bois et la démagogie n'atténuent en rien la gravité du problème. La coopération sécuritaire passe obligatoirement par l'échange du renseignement financier et le refus résolu de se soumettre au diktat des maîtres chanteurs d'El Qaïda. Pas besoin d'être un clerc pour comprendre que les rançons occidentales constituent l'essentiel du «trésor de guerre» des terroristes. Le nerf du terrorisme, c'est l'argent. C'est ce nerf-là qu'il convient de dévitaliser en urgence. Disons clairement que les payeurs de rançons sont, dans les faits, les uniques pourvoyeurs de fonds du terrorisme. K. A.