C'est une première. Les acteurs de la céréaliculture se sont retrouvés jeudi dernier autour d'un débat sur les problèmes de cette filière agricole stratégique. La crise survenue entre les transformateurs de blé et l'OAIC (Office algérien interprofessionnel des céréales) ces derniers jours n'a pas laissé indifférent le ministère de l'Agriculture et du Développement rural. Pour mieux cerner ce problème, le premier responsable du secteur, M. Rachid Benaïssa, a convoqué une réunion qui a regroupé l'ensemble des acteurs intervenant dans cette filière. Cette manière de réactiver le comité interprofessionnel de céréales a permis aux participants à cette rencontre tenue au siège du ministère de remettre sur le tapis les différentes questions liées à la gestion de la filière. Mais, le débat a surtout été axé sur l'approvisionnement des producteurs en blé dur. Le ministre a donc tenté de contenir le bras de fer entre les deux parties. Il a ainsi appelé les meuniers à s'approvisionner auprès de l'OACI en exprimant d'ici fin mars leurs besoins en blé dur. Pour le ministre, il s'agit d'abord de régler le problème de stockage du blé dur en achetant la totalité des six millions de quintaux commandés chez l'OAIC avant le mois d'août à raison d'un million de tonnes par mois au lieu de 500 000 quintaux, un chiffre qui représente la quantité mensuelle actuelle achetée par les meuniers. A l'heure actuelle, le plus important pour M. Benaïssa est de libérer les silos de l'OAIC, qui, selon le ministre, a connu un fort ralentissement de ses ventes. Dans le cas où les stocks ne sont pas absorbés avant la prochaine campagne, la récolte 2009-2010 sera difficile à gérer. «Si ce problème persiste d'ici avril, on avertira de nouveau», a déclaré le ministre, rappelant que son département a déjà eu à régler des crises dans cette filière, notamment en 2007 et 2008, après la flambée des cours des céréales sur le marché international. Pour l'heure, la priorité est à accorder, toujours de l'avis du ministre, à la libération des aires de stockage avant d'envisager un débat plus approfondi sur cette filière. «Ce qui est important, c'est de se mettre en synergie et de trouver le dénominateur commun. Notre objectif est de faire en sorte que la filière soit durable», a souligné M. Benaïssa à ce sujet avant d'ajouter : «Globalement, la concentration est à favoriser pour arriver à des propositions. Ces propositions interprofessionnelles deviendront par la suite des accords. Si ces accords sont d'un impact national, nous les officialiserons.» Tout ce travail se fera dans le cadre du comité interprofessionnel, appelé, selon le ministre, «à rapprocher les intérêts entre les différents acteurs de la filière». «Le moment est venu pour que dans le cadre d'un partenariat public-privé et dans un contexte de responsabilisation, les différents acteurs travaillent pour améliorer et protéger la production nationale d'abord et, si cela s'avère nécessaire, s'organiser pour l'exportation et pour l'importation», a d'ailleurs déclaré M. Benaïssa à la presse après la rencontre. Le ministre n'a pas manqué, dans le même sillage, à mettre en garde contre les relations conflictuelles, allusion faite à la crise actuelle entre l'OAIC et les transformateurs. «Pourquoi accuser tout le monde ?» s'est-il interrogé auparavant, non sans avoir précisé : «Le problème conjoncturel peut être réglé. Mais, c'est une bonne alerte pour tout le monde.» Du côté des transformateurs, venus fort nombreux à cette réunion, même si la volonté de reprendre les approvisionnements en blé auprès de l'OAIC, certaines réserves ont été émises. Mais, ce qui a surtout marqué l'intervention des meuniers, c'est la question de la qualité. A l'unanimité, les minotiers ont relevé la faible qualité du blé stocké chez l'OAIC. «On nous livre du blé avec des indices qui ne répondent pas aux normes. Souvent, le taux d'extraction descend à 72% alors que le minimum requis est de 75%», a fait remarquer un meunier de Constantine. Et à un autre de Batna de demander à l'OAIC de «mettre le paquet» sur le nettoyage du blé. «La qualité est instable alors que les consommateurs sont de plus en plus exigeants. Nous sommes donc obligés de mélanger le blé local au blé importé pour améliorer la qualité», dira à ce sujet un industriel de Biskra. Pour sa part, tout en adhérant à la démarche du ministère de l'Agriculture, le président du Forum des chefs d'entreprises (FCE), M. Reda Hamiani, estime qu'il y a lieu de trouver en effet des solutions à cette situation. Et ce, d'autant que, explique-t-il, que «les investissements sont coûteux». «On ne peut pas se contenter de travailler à 40% de nos capacités.» Au même titre que les autres intervenants, Hamiani a relevé que la qualité faisait défaut dans le blé de l'OAIC, un blé qui contient, selon lui, un taux de 20% de corps étrangers. Répondant à ces préoccupations, le ministre a souligné que le «problème de la qualité se pose aussi au niveau de la transformation». Sur un autre plan, les meuniers n'ont pas raté l'occasion de revenir sur la décision de l'arrêt de l'exportation des produits à base de céréales subventionnées. A travers leurs déclarations, les transformateurs espèrent un gel de cette mesure. A ce sujet, rien à signaler du côté du ministère de l'Agriculture, dont le ministre a juste rappelé le maintien du soutien exceptionnel à la culture céréalière pour les cinq prochaines années. S. I.