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Le malouf tunisien tente de s'imposer sur la scène
Face à la vague de musique arabe moderne
Publié dans La Tribune le 29 - 07 - 2008

Genre lyrique d'origine andalouse propre à certaines régions d'Afrique du Nord, le malouf tente, en Tunisie, de résister tant bien que mal à la chanson arabe moderne, notamment à la déferlante moyen-orientale. Le malouf en Tunisie, né au 13ème siècle, coïncidant avec l'ère hafside, s'est développé au 15ème siècle avec la chute de Grenade et l'arrivée de dizaines de milliers de migrants fuyant la persécution en Andalousie. Ils allaient trouver refuge au Maghreb et y influencer un riche patrimoine, poétique et lyrique déjà existant et dont Ziriab, de retour du Machrek, avait institué les bases dès le 8ème siècle.
L'histoire du malouf tunisien, Fethi Zeghenda, musicologue et responsable ministériel en charge de la musique, la résumera comme étant un patrimoine musical classique qui s'était développé dans les villes à forte concentration d'immigrants andalous, à l'instar de Testour, Tunis, Soleimane, Bizerte, El Kef et Kairouan. Constituant, dit-il, un «bouillon de cultures» arabe, turque et andalouse, il se présente sous deux formes distinctes : «al djed» (de connotation spirituelle, soufie et religieuse) et «al hezl» (de connotation existentielle), et se structure en 13 noubas (genres constituant le corpus principal).
Ces noubas étaient interprétées en Tunisie en 13 maqqam (composition musicale) désignés ainsi par cheikh Mohamed Dhrif (mort en 1374) : al rehaoui, al dill, al reml, al asbahan, al sikka, al mehaier, al mezmoum, al arak, al h'ssein, al noua, rasset al dill, al meya et al asbaïne.
Les origines du malouf (au vu de la similitude d'une bonne partie des textes et de l'architecture de la quasi-totalité des noubas) sont les mêmes, que ce soit en Algérie, où il s'est fortement ancré dans le Constantinois, à un degré relativement moindre en Tunisie, ou beaucoup plus tard en Libye.
Elles remontent à la période andalouse qui a aussi influencé d'autres courants et écoles de musique arabe classique, connus dans le Centre algérien du nom de sanaa ou dans l'Ouest de celui d'al ghernata. Chaque pays lui a, alors, apporté une touche spécifique et un cachet distinctif dans le mode d'interprétation.
S'il a su se préserver, relativement, en Algérie, grâce à un remarquable travail du mouvement associatif, s'il est naissant en Libye avec «l'apport précieux de l'inusable Mohamed Aribi», le malouf en Tunisie continue de faire l'objet d'une prise en main par les pouvoirs publics pour le maintenir en vie autant que possible à travers notamment le système éducatif, l'organisation d'un festival annuel à Testour (80 km à l'ouest de Tunis), et sa vulgarisation dans les centres culturels du pays, estime M. Zeghenda. Authentifié, enregistré, et donc préservé, grâce à l'apport de nombreuses personnalités tunisiennes qui en sont devenues les symboles, à l'exemple des regrettés cheikhs Mohamed El Ouafi, Khemais Ternane, Abderrahmane et Salah El Mehdi, et, aujourd'hui, Tahar et Zied Ghersa, le malouf se meurt et est délaissé par la jeune génération tunisienne, captivée plutôt par les chansons légères et rythmées arabes, notamment libanaises et égyptiennes.
Même aux plus forts moments du Festival de Testour, le malouf est éclipsé, aussi bien chez le public que dans les médias, par d'autres festivals d'été, principalement le Festival de Carthage qui, comme d'habitude, accapare toutes les attentions. Il est ainsi difficile de faire face à la chanson moderne «fast-food», éphémère certes, mais à l'impact certain sur le devenir de la culture arabe.
Une nouvelle forme de culture émerge. De plus en plus attrayante jusqu'à attirer à elle de grands noms de la chanson arabe, elle fait cependant planer le risque de voir se tarir le génie créatif.
A ce rythme, on ne produira plus jamais, craint-on, de chef-d'œuvres ou de grands classiques.


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