Deux footballeurs des années soixante-dix, sans doute parmi les plus doués de leur génération, nous ont littéralement ri au nez quand nous les avons sollicités pour avoir leur avis sur la nécessité d'une prise en charge psychologique du footballeur afin d'aider ce dernier à surmonter «ses doutes». Nous avons enregistré presque la même réaction auprès d'un joueur évoluant en division nationale II, lequel considère que «tout cela relève de l'enfantillage propre à des rodomontades de star du rock plus accro à l'acide qu'à son public, sinon des grands footballeurs étrangers qui vivent aujourd'hui plus des frasques rapportées par les magazines people que par leur utilité sur le terrain au profit d'un collectif». Deux appréciations contre une, sans doute un peu plus mûrie et rationnelle et pour cause, elle est formulée par B. Hocine, médecin spécialisé dans l'activité sportive et accessoirement, c'est selon la compétence des équipes dirigeantes qui se succèdent à la tête du club, en droite ligne dans ce créneau avec une équipe de football de l'est du pays. «C'est indiscutable, les temps ont changé, le football a évolué et énormément évolué. L'état des lieux du sport le plus populaire dans le monde n'est plus à l'ère de… papa.» Etonnamment, F. K. A. un autre footballeur d'une division des bas-fonds de la hiérarchie, abonde dans le sens du médecin. Est-ce parce qu'il est universitaire et qu'il pratique le football par passion qu'il estime que «tout a évolué aujourd'hui, le footballeur ne mange que ce qu'exige, pour ne pas dire le club employeur, le diététicien, plonge dans son sommeil sur injonction et en sort dans les mêmes conditions, part en vacances là où son équipe veut le voir s'y rendre. En fait, pour faire plus simple, vous aurez remarqué que, lorsqu'une entreprise réputée performante cherche à recruter, elle annonce toujours un cadre de travail agréable.» «Ce cadre de travail “agréable” qui fait sa réputation, c'est ce qui conforte donc cette réputation et fait ses performances, c'est un peu, si ce n'est tout, ce qui se fait dans des clubs comme Manchester, Bayern, Barcelone, Inter Milan, Real Madrid. Qui de nos compatriotes ne riait pas en apprenant la fixation, à la limite du harcèlement, de Guy Roux quant à l'hygiène de vie de ses joueurs, de la supervision parfois de leur vie privée. Au bout du chemin qu'a récolté le football français ? Le plus important vivier de l'Hexagone et donc celui qui a fourni les plus grands joueurs français, en activité ou non, reconvertis en grands entraîneurs, excusez du peu, ou non». Notre interlocuteur conclut : «Vous me parlez d'une prise en charge psychologique, moi je pencherais plutôt pour ce que l'on qualifie sous d'autres cieux de coaching mental.» Coaching mental, cela veut dire quoi dans les milieux du football en Algérie ? Coaching mental, l'expression est lancée et est d'ailleurs reprise par B. H., médecin, visiblement plus dans son élément. «Coaching mental, bien sûr, sait-on au moins ce que cela veut dire dans les milieux du football en Algérie ? Je vous prends un exemple comme ça, au hasard certes, mais qui vaut son pesant d'or dans la mesure où il n'a échappé à personne. Le cas du gardien de but de l'EN Faouzi Chaouchi, lors de la rencontre opposant la sélection nationale à l'Egypte au cours de la dernière Coupe d'Afrique des nations. Je vous prendrai d'ailleurs tout également deux autres exemples avec celui de Halliche et Benhadj puisqu'ils ont tous fait les frais d'un arbitrage douteux, mais qui ne pouvait être décrié de la manière dont ils l'ont fait, d'autant qu'ils étaient sur le terrain et que leur sortie a encore plus pénalisé la sélection nationale en l'amoindrissant dramatiquement et en entachant la réputation du pays dont les responsables des instances nationales sportives concernées s'acharnaient à apporter à l'opinion mondiale les arguments étayant l'agression subie au Caire. Explication : Chaouchi a été expulsé sur un geste dangereux gratuit contre un adversaire, Belhadj et Halliche, et là c'est plus impardonnable, parce que ces deux éléments évoluent en professionnels dans des championnats qui le sont tout autant ont eu une attitude répréhensible. Belhadj pour un geste défensif, qu'un amateur n'aurait pas fait et Halliche pour ne pas avoir bien géré une sanction (carton jaune) et surtout trop ruminé, ce qui sans doute l'a sorti de la rencontre dès qu'il en a été l'objet. Or, à un tel stade de la compétition, de telles attitudes sont impardonnables et surtout ne s'expliquent pas et plus particulièrement à une telle échelle : trois joueurs en un laps de temps réduit, c'est dire qu'aucun d'eux n'était psychologiquement préparé.» Le rapprochement peut effectivement être rapidement fait en prenant pour exemple le dernier quart de finale Arsenal-Barcelone (2-2). Carlos Puyol est à l'origine d'un penalty, il laisse derrière lui une formation amoindrie, le risque de lui faire prendre un but,ce qui aura lieu d'ailleurs et, enfin l'impasse sur la rencontre retour. Prodigieux, aucune contestation démesurée, exception faite de celle de capitaine d'équipe. Il suffirait alors de faire le rapprochement avec l'attitude de Chaouchi lors d'Egypte-Algérie et la séquence du penalty. Est-il besoin de faire encore des commentaires ? Erreur de jeunesse ou amour du maillot ? D'aucuns, paternalistes à l'excès, ont vite trouvé des circonstances atténuantes au gardien de but, «l'amour du maillot», excusez du peu et de l'hérésie, d'autres «sa jeunesse et son tempérament de gagneur», ce qui, évidemment, est peu plausible. Récapitulation : la sélection nationale a-t-elle besoin ou non d'un préparateur mental ou d'un accompagnateur psychologique ? «Forcément oui», nous répondra B. Hocine, le médecin, qui enchaîne : «Par les temps qui courent, le football, c'est plus qu'une partie de 90 minutes sur un pré vert. Il existe des moments de tension insoutenables, comme il en existe d'autres d'euphorie sans commune mesure ou encore une période de flottement, de solitude, de mélancolie dont est victime un ou parfois plusieurs joueurs simultanément. C'est pour cela qu'il faut un staff spécialisé pour la gestion d'une rencontre. Avant son entame, après son déroulement immédiat et exceptionnellement même pendant (mi-temps) dans le court terme et ensuite dans les moyen et long terme. Que la rencontre se soit soldée par une victoire, une défaite ou un partage des points car, quoi qu'il arrive, il y a nécessité pour l'ensemble de l'équipe de revenir à une situation plane, normale… ordinaire, de tous les jours. En somme, un retour au calme. Personnellement, j'ai l'impression que tout cela n'est pas tellement présent et pas uniquement au sein de l'équipe nationale même s'il est plus important qu'il le soit à hauteur de celle-ci que dans une quelconque formation de la compétition nationale, ce qui, au demeurant, a très peu de chances de l'être pour l'éternité à moins d'une révolution dans le secteur des sports.» Tout est donc dit, le football national est orphelin de cet élément, en l'occurrence l'aspect psychologique, lequel, semblerait-il, serait essentiel et le plus grave consisterait à voir débarquer en Afrique du Sud la sélection nationale amoindrie de cet atout. Pour ce qui semble au-delà de la simple formation sportive être devenu un ambassadeur plénipotentiaire de l'Algérie, il paraît plus que vraisemblable que la mission ne soit déjà compromise face à des adversaires qui ne risqueront pas de protester pour une remise en jeu mal appréciée par le juge de ligne quand ils ne revendiquent pas la légitimité ou l'illégitimité d'un penalty qui peut faire changer le cours du match, voire de l'histoire pour une équipe. A. L.