De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Difficile de convaincre un couple de cousins germains de ne pas se marier, sinon de ne pas enfanter étant donné le danger d'avoir une progéniture à risque congénital et qui pourrait donc être affectée de maladies héréditaires. De plus, même si les anomalies sont décelées lors de la grossesse, ce qui n'est pas toujours évident, il serait toutefois difficile d'opter pour une interruption volontaire de grossesse (IVG) en raison des tabous et des interdits religieux… Aussi, pour éviter de telles situations, faut-il informer les gens sur les risques des naissances liées à la consanguinité, s'accordent à dire les médecins. C'est la seule recommandation à élargir et qui permettrait de minimiser la prévalence des myopathies en Algérie, selon le professeur Hamri, chef du service de neurologie du CHU Benbadis de Constantine. Le mariage consanguin demeure le grand porteur de cette maladie, estime le spécialiste, qui n'écarte pas cependant l'apparition de cas sporadiques chez des couples non consanguins. Concernant l'IVG, en cas de dépistage d'anomalie, le sujet devrait être soumis à un large débat ouvert à tous les spécialistes (médecins, religieux, sociologues…). Pour l'heure, «notre objectif est de prendre en charge les malades dans le cadre du diagnostic. On leur facilite également les procédures avec la Direction de l'action sociale pour qu'ils bénéficient d'une pension, une insertion dans la formation», avance le médecin. Plus de 400 malades myopathes sont actuellement pris en charge au niveau du service de neurologie du CHU. Ils défilent deux fois par semaine pour des bilans ou des séances de rééducation. «En attendant de beaux jours pour un traitement curatif, seul un traitement symptomatique vient au secours de cette frange de malades», nous dira d'emblée le professeur Hamri, qui indique que cette «défaillance en génétique» qui génère un déficit en une protéine spécifique pose problème à travers la planète et conduit à la dégénérescence musculaire. «C'est ce qu'on appelle dystrophinopathie», dira-t-il. Le diagnostic est établi après l'apparition des premiers signes cliniques. Toutefois, en ce qui concerne le dépistage anténatal, dans le cas où le risque est très probable comme avec les mariages consanguins, «il est possible d'effectuer des tests génétiques et, pour cela, Constantine est suffisamment dotée de compétences du fait que le CHU a franchi un grand bond dans ce domaine», explique le médecin. Mme Sifi, médecin spécialiste dans le même service et qui assure des consultations périodiques à des myopathes, mettra en relief le rôle important du «conseil génétique», opérationnel depuis 2001. Il a permis, à ce jour, de procéder à des dépistages fiables, a-t-elle affirmé. Mais la nécessité d'interrompre la grossesse dès le début de la onzième semaine dans le cas où une anomalie est détectée, est malheureusement freinée par l'absence de textes législatifs qui lèveraient le verrou des tabous pour éviter des naissances atteintes d'anomalies. Or, à ce jour, l'IVG est, aux yeux de tous, un avortement comme tout autre avortement et elle est donc perçue comme une honte. En attendant l'ouverture d'une réflexion à ce sujet, qui tarde, la corporation médicale fait tout ce qu'elle peut pour minimiser les risques. A Constantine, les médecins estiment que les avancées faites dans le domaine thérapeutique ont permis, pour le moins, une prise en charge des complications liées à cette maladie. «Les problèmes cardiaques, respiratoires, outre le handicap orthopédique, sont pris en charge par une équipe pluridisciplinaire», se félicite le professeur Hamri, certifiant qu'«à ce titre, on n'a rien à envier à ce qui se fait dans les pays développés». Il reste cependant à consacrer à cette catégorie de malades une attention particulière qui devrait se matérialiser par la réalisation d'un centre spécifique où ils bénéficieront de toutes les commodités aptes à faciliter leur quotidien. «Il va de la prise en charge à la scolarisation», a soutenu le professeur. Sur ce plan, à Constantine, l'association «Défi et espoir contre les myopathies» est active depuis 2001 et travaille à l'orientation et la prise en charge des personnes souffrant de cette maladie. Il est attendu que les autorités locales répondent aux attentes de cette association et des malades en leur accordant le soutien et les aides nécessaires. Pour ce qui est des statistiques concernant la myopathie, la prévalence affiche 49% à l'échelle nationale. Toutefois, selon le professeur Hamri, ce taux a doublé dans certaines régions de l'Algérie profonde où les mariages consanguins existent encore et continuent de faire fi des risques pourtant avérés d'avoir un enfant myopathe. L'Italie, à titre d'exemple, s'est débarrassée de ce problème et d'autres pays l'ont également fait en interdisant les mariages consanguins. «Désormais, il appartient aux services compétents de mener une sensibilisation accrue pour dissuader les mariages consanguins», alerte le professeur. Une tâche qui ne semble pas facile à concrétiser. Notre interlocuteur témoigne en citant un exemple parmi tant d'autres : «On a prévenu un parent après une première naissance de myopathe sur les risques des futurs grossesses, en vain… Malheureusement, on ne peut pas obliger un couple consanguin à ne pas enfanter», déplore-t-il. C'est une culture qu'il faudrait instaurer progressivement en associant non seulement les médecins, mais la société civile, les personnalités religieuses, les psychologues et les associations afin de réduire la prévalence en hausse de ces maladies musculaires héréditaires.