De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad La région de Boghni, à une trentaine de kilomètres au sud de Tizi Ouzou, composée de dizaines de villages et hameaux très souvent pauvres, revient d'une journée de mobilisation jugée exceptionnelle par les habitants qui ont quitté tôt le matin de vendredi dernier leurs domiciles pour marcher vers la montagne surplombant les habitations où sont censés se trouver les ravisseurs de ammi Ali. La beauté des lieux mise en exergue par le temps printanier et le jaune éclatant du Genêt, arbuste roi du moment en Kabylie, mérite beaucoup mieux que les inquiétudes et les appréhensions de la grave actualité sécuritaire qui y prédomine depuis le 22 mars 2010, jour de l'enlèvement de H. Ali, 81 ans, entrepreneur, par un groupe terroriste d'une dizaine d'éléments armés de kalachnikovs, selon des informations recueillies auprès de diverses sources. Aucune des personnes se trouvant à la tête de ce mouvement spontané ne se hasarde à donner un quelconque pronostic quant à l'issue de cette opération qui ressemble à celle menée l'été dernier par des villageois d'Iflissen (Kabylie maritime) qui sont allés dans les maquis environnants chercher et obtenir des «groupes armés» la libération d'un commerçant d'un certain âge enlevé chez lui quelques jours auparavant. Pour se prémunir contre d'éventuelles représailles, les interlocuteurs, toujours méfiants, ne déclinent pas leur identité et refusent de sortir de l'anonymat quand il s'agit de faire des déclarations publiques dans les médias. «Personne ne viendra nous défendre si jamais il y a un une incursion de vengeance contre nous. Il suffit de voir l'inertie des services de sécurité dans les actions arrêtées par les villageois pour se dire qu'aucun organe ne peut prendre notre défense dans les moments difficiles. Nous préférons donc rester comme un bloc soudé afin de nous protéger nous-mêmes et arriver à libérer notre frère Ali», a déclaré l'un des membres de la Coordination des villages de la daïra de Boghni, à savoir Asi Yousef, Amechras, Aït Mendès, Boghni et Aït Koffi, née au début de la deuxième semaine du kidnapping de H. Ali. Le calme qui règne au centre ville de Boghni ne signifie pas que les «opérations de recherche» sont terminées. Le pic de ces actions de mobilisation a été la «montée», vendredi dernier, de centaines d'habitants des localités concernées vers les terres accidentées et insécurisées, non loin de Tala Guilef (Djurdjura), visitées souvent par des groupes armés et qui constituent une zone de passage, selon des sources sécuritaires, ainsi que la grève générale de mardi dernier ayant paralysé toute la région de Boghni. Le relief et la géographie des sites n'ont pas facilité l'opération de recherche menée vendredi dernier dans les endroits soupçonnés d'abriter des terroristes. Cette opération est déclarée infructueuse pour le moment par des délégués de la coordination. «Nous restons mobilisés, nous sommes là tous ensemble jusqu'à la libération de ammi Ali ; nous allons défier ces criminels partout où nous soupçonnons leur présence et nous n'allons pas nous taire sans le retour parmi les siens de ammi Ali», a affirmé, déterminé, un vieil homme, membre d'un comité de village.Cela dit, des habitants rencontrés sur les lieux ont tenu à souligner le «faible» rôle des services de sécurité dans ce sursaut de la population locale agressée une autre fois (plusieurs rapts ont eu lieu dans ce périmètre ces dernières années) «sans l'intervention des autorités, l'assistance ou l'aide des institutions sécuritaires». «La présence des forces de sécurité est remarquable en termes de nombre mais leur efficacité laisse vraiment à désirer», lâche un jeune qui met en cause les autorités sécuritaires qui ne font pas leur «devoir» consistant à protéger la population civile des attaques des groupes terroristes «sachant que le nombre des éléments des services de sécurité visibles dans seulement quelques localités du sud de la wilaya de Tizi Ouzou suffit à mettre à l'abri des actions terroristes toute la population du centre du pays aux prises avec le terrorisme». «C'est l'Etat qui doit protéger le citoyen et non le contraire, sinon qu'on ne parle plus au nom de la population, qui, dans ces cas, est la seule à souffrir des exactions des terroristes», a-t-il ajouté.Pour rappel, H. Ali a été enlevé le 22 mars dernier par une dizaine d'éléments armés qui auraient par la suite exigé, selon des sources locales, 2 milliards de centimes contre sa libération. Une partie de la rançon a été «ramassée» mais des habitants ont refusé cette solution et proposé d'aller libérer la victime. L'ultimatum de 24 heures lancé par la Coordination des villages a expiré mercredi dernier.