Les maux du pouvoir local ne se résument pas à la concentration des prérogatives au niveau de l'administration. Les Assemblées populaires communales vivent, en effet, des situations de blocage qui ne sont pas forcément liées à la répartition des prérogatives entre les élus locaux et l'administration territoriale. Le blocage de certaines assemblées locales peut être causé par une incompatibilité d'ordre politique. Il existe, en effet, des assemblées qui n'ont pas fonctionné depuis les dernières élections locales. La cause : certains élus voient d'un mauvais œil que la feuille de route de la gestion locale soit dictée par un maire avec lequel ils ne partagent que des divergences. Force est de constater néanmoins que les idéaux partisans n'ont plus la cote d'il y a quelques années. «Le président de l'APC trompe les élus par une série de fuites en avant et œuvre pour des intérêts personnels», lance un élu de l'APC de Tinbdar, wilaya de Béjaïa. Un de ses collègues ajoute que «le président de l'APC nous traite de bloqueurs. Or, s'il y a un bloqueur, c'est bien lui». Un troisième élu préfère utiliser des mots crus. «Au lieu de s'occuper des problèmes des citoyens, notre édile organise en compagnie de ses amis des festins dignes de la République bananière et vient après crier que la commune est pauvre», dira-t-il en pleine réunion de crise, qui n'aura servi à rien, comme l'atteste la situation de blocage qui persiste. Il est manifestement clair, à travers l'exemple cité, que la cause du blocage est à trouver dans les divergences d'intérêts entre les différents élus de l'Assemblée populaire communale. Il n'est pas difficile de constater la curieuse disparition des différences de vision qui pourrait générer des oppositions. La bataille semble ainsi être celle des intérêts personnels. Et pour parvenir à la satisfaction de leurs intérêts, des élus sont prêts à sacrifier la mission pour laquelle ils étaient engagés. Ils trahissent ainsi la confiance des électeurs. La durée du blocage est aussi révélatrice du poids des divergences. Nous ne sommes pas si loin d'un renouvellement des assemblées locales, alors que quelques-unes parmi elles n'ont pu tenir une séance de travail pendant que les citoyens veulent des réponses à leurs attentes quotidiennes. Le blocage des assemblées peut également être d'ordre financier dans le sens où les subventions ne sont pas en mesure de réaliser des projets de développement souhaités par les populations. Face aux revendications de celles-ci, des élus déclarent leur impuissance. Ce qui est généralement vrai compte tenu des enveloppes financières octroyées à des municipalités qui accusent un retard énorme en matière de développement local. La situation devient plus complexe quand il s'agit des communes qui ne disposent pas de ressources financières si l'on excepte les subventions de l'Etat. Cette situation crée incontestablement un climat de tension entre les élus et les citoyens qui, las d'attendre, recourent à des actions de violence et de brutalité. Ce qui se traduit quotidiennement par des jacqueries, le seul moyen d'expression qui reste aux citoyens faute d'espaces de médiation où pourraient être trouvées des solutions aux litiges posés. L'exercice du pouvoir local fait manifestement face à des obstacles de différente nature dont la conséquence extrême serait le blocage. Pour des considérations prétendument politiques – qui cachent mal des intérêts personnels- ou pour des raisons financières, les assemblées locales peinent à accomplir leur mandature dans la sérénité. Leur gestion est ainsi marquée du sceau de la suspicion et du clientélisme. Un constat qui renforce le déficit de légitimité qui colle à la quasi-totalité des élus. Les citoyens sont incontestablement pénalisés par cette inertie dans la gestion des affaires de la cité. Même les autorités de wilaya s'avouent incapables devant de telles situations. La preuve en a été apportée par le wali de Béjaïa. Ce dernier a déclaré récemment que «l'administration de la wilaya n'écarte aucune option pour dénouer les situations de crise dans certaines communes». Ce responsable précise en revanche que la dissolution est du ressort de l'administration centrale. Les assemblées locales continueront de naviguer à vue tant qu'elles n'émaneront pas d'une vie politique réelle dans laquelle le citoyen serait un véritable acteur et où l'élu est tenu de rendre des comptes de sa gestion. A. Y.