Photo : A. Lemili De notre correspondant à Constantine A. Lemili En visite dans les villes romaines de Tiddis (Constantine) ou Timgad (Batna), les personnes, qu'elles viennent d'àcôté ou de loin, peuvent prétendre à visiter les lieux pour peu que les responsables administratifs et les agents chargés de la protection du site y condescendent. Cela dit, il est néanmoins strictement impossible de prendre des photos. Que celles-ci ciblent directement un élément du décor ou celle du visiteur désirant immortaliser sa présence à coté d'une colonne, un patio, un arc, une statue…La cause ? Les responsables sur place considèrent cela comme relevant de l'atteinte au patrimoine, pour ne pas dire du pillage. A l'ère de l'image baladée par les satellites, la nanotechnologie en matière d'appareil de prises de vue, ces mêmes responsables et leurs responsables allient l'utile à l'agréable en renvoyant le visiteur lambda à l'époque de Polyphème et de «Personne» sa… hantise. Et alors, heureux qui, comme Ulysse, n'a pas visité notre pays.Une expérience encore plus cocasse a été vécue par une équipe de vidéastes français présente dans le pays au cours du mois de janvier dernier pour y réaliser une série de très courts documentaires (5 minutes) pour le compte d'une station régionale de France-Télévisions, celle de Corse pour ne pas la nommer. Les concepteurs des documentaires, jaloux de la culture méditerranéenne, d'une part, mais aussi des similitudes naturelles, des rapprochements entre les habitants des rives de ladite mer et, dans ce cas de figure, des Corses avec les Algériens, désiraient figer, d'autre part, pour le reste du temps des éléments concrets qui constitueraient un trait d'union entre les peuples.Il s'est passé alors un ou des événements bizarres. Respecter en Algérie les voies et procédures administratives qui autoriseraient ou faciliteraient une activité ne peut que la rendre encore plus difficile sinon impossible. A contrario, passer outre ces mêmes voies et procédures administratives ferait tomber tous ces obstacles. Explication. Lesdites équipes devaient réaliser des documentaires à Constantine sur trois thèmes : les corbeaux du Rhumel, le site de Salah Bey (El Ghorab), les métiers de la dinanderie et, à Batna, les balcons du Ghoufi et, enfin, le site de Timgad. Aucune difficulté ne s'est posée pour les quatre premiers sujets, en ce sens qu'aucune sollicitation n'a été faite aux pouvoirs publics, exception faite de la protection des étrangers qui s'est d'ailleurs effectuée très discrètement. Mais pour filmer sur le site de Timgad, l'équipe technique et la production exécutive feront face à un écueil d'absurdités innommables, notamment avec l'Office national de gestion et d'exploitation des biens culturels (ONGEBC). Après un marathon administratif, voire bureaucratique, de plus d'une semaine, le résultat des courses sera : la délivrance de l'autorisation d'accès au site archéologique de Timgad… dix jours après le retour en France de l'équipe et le bouclage de la série de documentaires. Comble de l'ironie, il y a lieu de souligner que la production exécutive disposait d'une autorisation de tournage délivrée par la direction de la promotion et du développement des arts mais également de l'accord de la direction du patrimoine. L'argument majeur avancé par l'ONGEBC aurait été la nécessité pour le ou les demandeurs de payer des droits. Une obligation à laquelle personne ne se dérobait sauf que les services de l'office ne disposaient pas de barème et sollicitaient du responsable de la production exécutive de… proposer un prix. Morale de l'histoire ou bilan de la situation : Filmée, la ville historique de Timgad aurait au moins permis de la faire mieux connaître, au même titre que les vestiges qui parsèment la capitale hellénique ou l'Italie par tous les peuples de la Méditerranée. Cela ne sera pas le cas. Quoique, de toutes les manières et à cette allure, même ceux qui habitent Batna ont, au vu de ces comportements irrationnels, très peu de chances de pouvoir la connaître.Anecdote : pour leur seule satisfaction personnelle, le réalisateur et le technicien ont quand même pris énormément de photos des ruines de Timgad, en dehors de la zone protégée forcément, mais avec la technologie que nous évoquions au début et les appareils sophistiqués qui naissent chaque jour, le problème ne risquait pas de se poser.