De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Un petit coup de gueule, une riposte indélicate, un mauvais regard et c'est l'affrontement à couteaux tirés… Violence dans les stades, violence dans les souks, violence aux abords des écoles, violence dans les quartiers. La liste est longue, tant le fléau a pris de l'ampleur sans être circonscrit. Généré par des maux sociaux associés à un recul de la morale et une déliquescence des liens sociaux, le phénomène de la violence dans les rapports entre citoyens gagne du terrain et continuera de perturber le quotidien de la population si aucune mesure n'est prise en urgence pour le freiner, voire l'éradiquer. Il suffit de presque rien pour qu'un simple échange de paroles se transforme en bagarre suite à un malentendu ou d'un geste inélégant. Les heurts entre voisins constituent la majorité de ces échauffourées. Le civisme y est souvent absent au point de donner aux cités d'habitation l'air de zones de non droit sans foi ni loi… «Généralement, les rixes vont crescendo. Ces dernières années, nous assistons impuissants à des agressions et à des altercations démesurées à longueur d'année», s'inquiète un citoyen qui témoigne sur ces proportions prises par la violence dans les quartiers. Si par le passé cette violence était circonscrite à quelques quartiers et zones de Constantine, les bidonvilles, notamment El Gamas, Oued El Had, Fedj Errih, pour ne citer que ceux-là, aujourd'hui la brutalité est généralisée. Elle est transposée même au niveau de quelques quartiers dits «paisibles». Les sociologues attribuent ces frustrations au mal-vivre. «Une simple phrase, agrémentée et riche en contenus, émise par un responsable ou, a fortiori, par un psychologue, pourrait apporter la quiétude chez les personnes hantées par l'esprit de querelle», nous dira un universitaire. Autrement dit, la majorité des agresseurs sont issus de milieux modestes pour ne pas dire pauvre et, de surcroît, ont un niveau d'instruction très bas… Dans ce contexte, et pour revenir aux cités susmentionnées, une étude élaborée antérieurement a fait état de 75% des jeunes qui consomment des psychotropes et 65% ont quitté les bancs de l'école au premier palier. S'ajoutent à cela le chômage, l'oisiveté, l'absence de perspectives et la promiscuité ; ce qui donne un cocktail détonnant qui peut exploser à la moindre étincelle. Par ailleurs, selon des sources concordantes appuyées par des états confirmés dans quelques quartiers, le phénomène de la violence n'est pas statique. Il se transpose d'un lieu à un autre, avec le mouvement des bandes de jeunes qui se déplacent des zones défavorisées pour aller dans les quartiers aisés où ils pourraient trouver «l'occasion» de se faire un peu d'argent ou, tout simplement, «se distraire». «Les fauteurs de troubles ne sont pas forcément des résidents intra muros», dira le résident d'un quartier du centre-ville. Il est vrai qu'on est encore loin des gangs des banlieues de villes occidentales. Toutefois, à voir les drames survenus récemment à Constantine, il y a de quoi s'alarmer et interpeller haut et fort les services compétents pour une omniprésence indéfectible des agents de l'ordre public. Il y a eu mort d'homme au Ramadhan dernier. Suite à une parole déplacée d'un jeune homme, un commerçant a été poignardé, en plein jour, près de son local situé au centre ville… La semaine dernière, une femme a été égorgée à son domicile, situé à quelques encablures du commissariat du 2e arrondissement et de surcroît dans un quartier populaire où le trafic routier est important… La sonnette d'alarme est tirée. Il faudrait renforcer, sinon revoir le maillage sécuritaire de la ville. Pourtant, les pouvoirs publics ont renforcé la couverture sécuritaire, en témoigne la multiplication des brigades de la police de proximité qui ont permis de faire reculer la violence. Pour cela, une source policière se félicite de cette stabilité, confortée également par le rôle important des brigades mobiles qui effectuent des rondes dans les quartiers. Mais on ne peut pas mettre derrière chaque citoyen un agent de police. Les citoyens doivent donc contribuer à la lutte contre la violence. D'où la nécessité de l'implication d'un autre pivot, à savoir la société civile dont les actions pourraient réduire les tensions dans nombre de quartiers névralgiques. «On ne peut pas être démissionnaire et espérer une nette amélioration du cadre de vie», reconnaît un habitant d'un quartier populaire, ajoutant que «la police a un rôle à jouer pour prémunir la population, mais celle-ci devrait faire également preuve de civisme». Sans quoi, les scènes de violence se perpétueront…