Synthèse de Smaïl Boughazi Le plan sans précédent d'aide financière à la Grèce, annoncé dimanche dernier par les pays de la zone euro, a provoqué hier une chute spectaculaire des coûts auxquels devrait emprunter Athènes sur les marchés obligataires, et un rebond de l'euro. En fait, après l'annonce du plan d'aide de l'Eurogroupe, qui consiste à mettre 30 milliards d'euros de crédits à disposition de la Grèce, les réactions des différentes parties européennes mais également des marchés étaient positives. Ainsi, le taux de l'obligation d'Etat grecque sur 10 ans s'inscrivait à 6,514%, contre 7,126% vendredi soir. Ce taux avait dépassé les 7,500% jeudi, un record depuis l'entrée de la Grèce dans la zone euro en 2001. Le différentiel («spread») entre l'emprunt allemand sur dix ans, qui sert de référence sur le marché obligataire européen, et le taux grec s'est très nettement réduit, à 332 points de base (contre plus de 400 points la semaine dernière). La chute est spectaculaire notamment pour le taux des obligations d'une maturité de 2 ans : il est actuellement de 5,40%, contre plus de 7% jeudi dernier. L'euro a également rebondi et restait en hausse face au dollar, sans parvenir toutefois à atteindre 1,37 dollar, pénalisé par des craintes persistantes d'une contagion de la crise au sein de la zone euro, selon des analystes. La monnaie européenne valait hier 1,3591 dollar contre 1,3497 dollar vendredi, après être monté jusqu'à 1,3692 dollar, un niveau plus vu depuis le 18 mars. Les Bourses européennes, en revanche, perdaient à la mi-journée les gains enregistrés dans la matinée et évoluaient proches de l'équilibre : Paris cédait 0,15%, Francfort 0,07%, tandis que Londres gagnait 0,04%. Tokyo a clôturé de son côté en hausse de 0,42%. Les Bourses avaient ouvert en nette hausse, soutenues par le plan de soutien à Athènes. Le FMI salut la décision Le Fonds monétaire international (FMI) a salué de son côté ce plan de soutien et s'est dit «prêt à se joindre à cet effort», selon son directeur général Dominique Strauss-Kahn. «Je salue la déclaration de ce jour sur le plan de soutien financier qui sera fourni par les pays de la zone euro à la Grèce, quand ce sera nécessaire, pour préserver la stabilité de toute la zone euro», a indiqué M. Strauss-Kahn dans un communiqué. Pour lui, «l'accord trouvé entre les ministre des Finances de la zone euro, la Commission européenne et la Banque centrale européenne est une étape très importante». Selon toujours le même communiqué, «le FMI se tient prêt à se joindre à cet effort, y compris à travers un accord pluri-annuel, autant qu'en auront besoin et le demanderont les autorités grecques». «Une équipe du FMI aura des discussions à Bruxelles le 12 avril avec les autorités grecques, la Commission européenne et la BCE», a annoncé le patron du FMI. De son côté, le gouvernement socialiste espagnol a qualifié la décision d'un signal fort qui exclut à l'avenir une éventuelle cessation de paiements d'un autre pays de la zone euro. L'annonce faite dimanche dernier par l'Eurogroupe traduit «la décision unanime de l'UE, et plus concrètement des membres de la zone euro, en faveur de la stabilité financière, ne laissant pas de place à l'hypothèse d'une cessation de paiements de n'importe lequel des membres de la zone euro», a affirmé le secrétaire d'Etat aux Affaires européennes, Diego Lopez Garrido. «Cette stabilité, pour lui, est garantie politiquement et économiquement par cette décision.» Cette décision «exprime, en outre, très clairement que le destin de l'Europe va être décidé par l'Europe, et pas par la spéculation», a encore ajouté M. Lopez Garrido. Réactions mitigées des pays membres Le gouvernement allemand a affirmé, en revanche, qu'une aide à la Grèce n'était pas à l'ordre du jour, au lendemain de la concrétisation par les pays de la zone euro de leur plan d'aide qui verrait l'Allemagne prêter plus de 8 milliards d'euros à Athènes. «Le fait qu'un extincteur soit accroché au mur ne fournit absolument aucune information sur la probabilité de son utilisation», a commenté Christoph Steegmans, porte-parole adjoint du gouvernement allemand, lors d'un point de presse ordinaire. Le porte-parole du ministère des Finances, Michael Offer, a jugé pour sa part que l'accord trouvé dimanche était simplement «une concrétisation au niveau technique», qui avait pour but de calmer les marchés. M. Steegmans et M. Offer ont rappelé que l'activation du plan d'aide, dont les pays de la zone euro ont fixé dimanche le montant maximal et les modalités, supposait que la Grèce demande de l'aide, ce qu'elle n'a pas fait à cette date, et nécessitait un vote à l'unanimité des pays de la zone euro. L'Allemagne, première économie européenne, contribuerait environ à hauteur de 8,4 milliards d'euros, a déclaré M. Offer, soulignant qu'il s'agissait d'un montant «tout théorique». Enfin, il y lieu de préciser que les Etats membres de l'Eurozone vont mettre à la disposition de la Grèce 30 milliards d'euros, dès la première année de ce programme sur trois ans, via des prêts bilatéraux et tous les Etats membres de la zone euro participeront au plan en fonction de leurs moyens. Le Fonds monétaire international (FMI) pourra être mis à contribution pour compléter ces 30 milliards, à hauteurvraisemblablement de 10 à 15 milliards d'euros. Et surtout, les pays de la zone euro sont disposés à prêter des fonds à la Grèce à un taux «autour de 5%», soit nettement moins que le taux de 7,5% affiché la semaine dernière sur le marché obligataire. «C'est un plan plus détaillé» que les précédents, mais «c'est surtout par sa taille» qu'il se différencie, déclare Cyril Régnat, stratégiste obligataire chez Natixis. Ces 45 milliards envisagés représentent «la totalité des besoins de financement» d'Athènes pour 2010, estimés à une quarantaine de milliards d'euros, souligne M. Régnat. Les analystes de Crédit Suisse soulignent ainsi de leur côté que «la seule raison qu'aurait la Grèce de ne pas activer ce plan d'aide est une réduction rapide des taux sur le marché au cours des prochains jours»