Synthèse de Hassan Gherab L'Organisation mondiale de la Santé (OMS), accusée d'avoir dramatisé l'impact potentiel de la grippe A(H1N1), a reconnu lundi dernier des failles dans sa gestion de la pandémie, à l'ouverture, à Genève, de la réunion de trois jours d'un comité d'une trentaine d'experts indépendants sur le dossier. Keiji Fukuda, le principal spécialiste de la question au sein de l'organisation, a fait amende honorable, reconnaissant que l'OMS n'avait pas suffisamment communiqué sur l'incertitude qui prévaut dans tous les cas de pandémie. «Beaucoup ont interprété cela comme un processus dénué de transparence», a-t-il expliqué. M. Fukuda a souligné que l'échelle d'alerte à la pandémie de l'OMS, qui compte six degrés, avait entretenu une certaine confusion. Cette échelle prend en compte la progression géographique d'un virus, mais pas son degré de gravité. «La confusion autour des phases et du degré de gravité demeure une question très contrariante», a déclaré le chercheur américain. L'OMS a bien tenté de mesurer la gravité de la nouvelle souche en comparant les taux de mortalité, mais cela s'est révélé difficile car la fiabilité des informations varie en fonction des pays, certains d'entre eux ne disposant même pas de registres des naissances et des décès. Le principal reproche adressé à l'OMS est d'avoir insufflé un vent de panique sur les conséquences de cette pandémie grippale qui s'est révélée beaucoup moins meurtrière qu'on pouvait le craindre. Des scientifiques avaient dénoncé la décision de l'OMS d'élever ses degrés de gravité et l'ont même accusé de l'avoir fait sous la pression des laboratoires pharmaceutiques dont des représentants siègent à l'OMS en tant qu'observateurs. Les liens de l'organisation avec l'industrie pharmaceutique en général et certains laboratoires comme Roche, qui a pu écouler ses stocks de Tamiflu constitués lors de l'épidémie de la grippe aviaire, ou GlaxoSmithKline et Sanofi-Aventis, qui ont engrangé de confortables bénéfices grâce aux vaccins, ont nourri l'actualité, au point que la commission du Parlement européen, sur demande des parlementaires, avait décidé de programmer un débat auquel a été invitée l'OMS pour répondre aux questions des eurodéputés. En effet, le passage du degré 4 au degré 5 d'alerte recommande aux Etats de libérer des budgets pour la recherche de vaccins alors qu'au degré 6, ils devraient constituer des stocks, ce que de nombreux pays ont fait pour se retrouver avec des doses de vaccins qui n'ont finalement été d'aucune utilité. A ce propos, Keiji Fukuda a jugé difficile de répondre à la demande des opinions publiques au fur et à mesure de l'expansion du virus, et remarqué que les blogs et autres nouveaux médias avaient alimenté rumeurs et critiques. «Toutes les populations du monde attendaient des informations immédiates», a-t-il dit. «D'une certaine manière, il n'y a aucun droit à l'erreur.» Toutefois, les explications et les justificatifs de M. Fukuda n'ont, semble-t-il, pas suffi à la directrice générale de l'OMS, Margaret Chan, qui, pour mettre un terme à toutes les spéculations, doutes, accusations et critiques, a réclamé une enquête «critique et franche» sur la manière dont l'épidémie de grippe A(H1N1) a été gérée. «Nous souhaitons une enquête franche, critique, transparente, crédible et indépendante de notre performance», a déclaré lundi dernier Mme Chan en accueillant les 29 experts au siège de l'OMS à Genève. «Nous voulons savoir ce qui a bien fonctionné. Nous voulons savoir ce qui n'a pas marché, et, dans l'idéal, pour quelles raisons. Nous voulons savoir ce qui aurait pu être amélioré et, dans l'idéal, de quelle manière», a-t-elle ajouté. Les conclusions de ce rapport permettront à l'OMS de mieux appréhender les futures épidémies, a-t-elle avancé. Cette enquête va être menée par 29 scientifiques et responsables de santé publique. Leurs premières conclusions seront présentées aux Etats membres de l'OMS en mai et le rapport final publié l'année prochaine. La commission est dirigée par le président de l'Institut de médecine à Washington, Harvey Fineberg. Ses membres sont «autorisés et devront effectivement faire preuve d'une expertise indépendante», a-t-il expliqué à Associated Press. Les recommandations qui seront faites à l'OMS n'auront pas de valeur contraignante, les Etats membres ayant le dernier mot sur le fonctionnement de l'agence, a-t-il ajouté. «Mais je m'attends totalement à ce qu'il y ait des suggestions pour apporter des améliorations.» H. G. La grippe A(H1N1) La souche de grippe A(H1N1) est apparue au Mexique et aux Etats-Unis il y a un an exactement. Elle a provoqué la mort de 17 770 personnes dans 213 pays et des millions de personnes ont été contaminées, selon l'OMS, qui a déclaré l'état de pandémie mondiale en juin 2009. La plupart des victimes étaient jeunes, d'un âge moyen de 37 ans, contre 75 ans pour la grippe saisonnière. La pandémie est toujours officiellement en cours. Une fois déclarée la fin de la pandémie, l'OMS aura besoin encore d'un an ou deux pour établir le taux de mortalité définitif du virus. Pour comparaison, la grippe aviaire H5N1 tue plus de la moitié des personnes contractant la maladie.