En dépit des efforts déployés par l'Etat dans l'importation de traitements anti-hémophiliques (facteur de coagulation) et la prise en charge des hémophiles, certaines insuffisances subsistent encore en matière d'accès aux soins, notamment pour les malades de l'intérieur du pays. C'est ce qu'ont indiqué récemment, au forum d'El Moudjahid, des spécialistes en hématologie. Organisée à l'occasion de la Journée mondiale de l'hémophilie célébrée le 17 avril de chaque année à travers le monde entier afin de mieux la faire connaître un trouble de la coagulation qui affecte quasi-exclusivement les garçons, cette rencontre a vu la participation du professeur Meriem Belhani, médecin-chef du centre de référence de prise en charge des patients hémophiles du CHU de Beni Messous et présidente du comité médical national d'hémophilie, le professeur Bensenouci, médecin-chef du service de pédiatrie du CHU de Beni Messous et M. Jean-Paul Digi, directeur général de Novo Nordisk Algérie. La campagne de cette année a pour thème «les nombreux visages des troubles de coagulation : agir ensemble grâce à la FMH pour réaliser le traitement pour tous». Une façon d'attirer l'attention sur une majorité de personnes atteintes de troubles de coagulation à l'échelle mondiale qui ne sont pas diagnostiquées et n'ont pas accès aux soins nécessaires. C'est le cas de l'Algérie. Selon un récent recensement datant de 2009, réalisé par le comité médical national de l'hémophilie, on estime à «1 435 le nombre de personnes hémophiles, pour un nombre théorique voisin de 3 000, laissant penser à un problème d'accès aux soins et/ou de diagnostic pour les formes mineures et modérées». L'enquête a ainsi révélé que le taux de prévalence des malades atteints de cette maladie dans notre pays est de 3,7 personnes pour 100 000 habitants. S'agissant de l'évolution de la prise en charge de l'hémophilie, le professeur Belhani dira qu'«elle s'est considérablement améliorée au cours des dix dernières années et ce, grâce aux efforts concertés des médecins et des autorités», précisant qu'il existe 11 centres de prise en charge des hémophiles situés dans le Nord du pays. Selon elle, «les traitements, en l'occurrence les facteurs 8 et 9, sont tout à fait disponibles dans ces unités de soins». La conférencière affirmera que l'Etat a consacré un budget pour cette maladie, soulignant l'importation l'année dernière de 30 millions d'unités qui sont, dit-elle, suffisantes en comparaison avec les années passées (12 millions d'unités en 2007). Pour rappel, le centre de Beni Messous a dépensé 37 milliards de centimes en 2009 pour la prise en charge des hémophiles, selon le professeur Belhani, ajoutant que les hémophiles sont pris en charge par des équipes pluridisciplinaires comme il est recommandé par la Fédération internationale des hémophiles et l'OMS. La conférencière a fait part de l'existence de centres spécialisés et de personnel soignant chevronné. Et d'ajouter : «Il n'y a plus de transfert de malades à l'étranger, nous avons les moyens et les compétences qu'il faut pour les prendre en charge en Algérie», dit-elle. Toutefois, malgré l'amélioration de la prise en charge, les personnes hémophiles font toujours face à d'énormes difficultés dans leur vie sociale, scolaire et professionnelle. Les traitements actuels ne guérissent pas l'hémophilie mais permettent, en revanche, de leur apporter le facteur de la coagulation qui fait défaut, d'arrêter un saignement à la suite d'un accident hémorragique. Grâce au traitement préventif, ou prophylaxie, cet accident peut même être évité. L'apport de la prophylaxie est capital. «Toutefois, il est au stade des balbutiements dans notre pays», a souligné le professeur Bensenouci, médecin-chef du service de pédiatrie du CHU de Beni Messous. «La prophylaxie en vigueur dans les pays développés nécessite d'énormes moyens», a-t-il expliqué, plaidant pour une institutionnalisation de la prophylaxie. Ce traitement prophylactique consiste en l'administration régulière de facteurs de coagulation pour prévenir l'apparition de saignements. Ces facteurs sontinjectés aux patients deux à trois fois par semaine, ce qui permet de transformer une forme sévère de l'hémophilie en une forme modérée. Ce traitement améliore l'état ostéo-articulaire.Les spécialistes insistent sur l'éducation thérapeutique et le traitement à domicile (auto-traitement) afin de permettre aux malades d'être autonomes et de prévenir les complications de la maladie par un traitement et un suivi réguliers. L'hémophilie pourra ainsi se traiter à domicile, les complications pourront être traitées, voire prévenues, et la personne atteinte d'hémophilie aura une vie et une qualité de vie proches de la normale. De son côté, M. Jean-Paul Digi, directeur général de Novo Nordisk Algérie a fait part du projet «changing possibilities in haemophia» à travers lequel le laboratoire collabore avec tous les partenaires pour améliorer la qualité de vie des patients et de leurs familles. Novo Nordisk s'engage ainsi à soutenir les hémophiles à travers ce projet qui vise à améliorer l'accès aux soins, à travers un investissement dans le domaine de la recherche et la science pour le bien-être des patients et à l'accroissement des possibilités de traitement de l'hémophilie. Les laboratoires Novo Nordisk, leader mondial dans le traitement du diabète, occupent une position de premier plan dans le domaine des traitements de l'hémophilie et les traitements par hormones de croissance, développent plusieurs actions pour aider les patients. Novo Nordisk soutient également des programmes de développement pour améliorer la prise en charge de l'hémophilie ainsi que la sensibilisation à travers l'organisation d'un programme d'éducation et de sensibilisation sur l'hémophilie, la formation de médecins, agents paramédicaux et techniciens de laboratoire, la conception et la distribution de matériels éducatifs au personnel et aux patients. Cette année, cette firme célèbre la journée de l'hémophilie en lançant l'opération «Heureux comme un enfant dans l'eau», qui consiste en l'organisation d'une journée de pratique de la natation destinée aux enfants hémophiles une fois par semaine dans chaque région pendant au moins 3 mois. Le lancement de cette opération se fera au cours du mois d'avril en partenariat avec l'association des patients hémophiles de la wilaya de Blida avant d'être généralisée aux autres régions. L'idée est d'offrir aux enfants hémophiles, qui n'ont pas souvent l'occasion d'avoir des loisirs, d'agréables moments de joie et d'attractivité en leur proposant des activités sportives et divertissantes. A. B.