De notre correspondant à Tizi Ouzou Lakhdar Siad Quelles que soient ses positions et son opinion, la presse fait toujours débat au sein de la majorité de la population qui continue de la rechercher et de la solliciter quotidiennement, presque en masse ; elle a ses fervents défenseurs et des adversaires dépassés. Dans tous les cas, elle ne laisse jamais indifférent. C'est à travers la presse que la population s'informe et suit directement ou par le biais de parents ou de proches plus ou moins lettrés, à la page, les raisons avancées par les pouvoirs publics et les réponses d'acteurs d'organisations politiques et de la société civile, de la crise sociale lancinante qui dure depuis des années en Kabylie et qui se traduit par un taux de chômage inquiétant et la prolifération de la drogue, de la violence et de la prostitution aggravées par le phénomène incertain du terrorisme. Cela dit, la presse demeure un support nouveau de transmission d'informations de toute nature et un canal de communication qui se détache des centres sociaux traditionnels d'échanges de «presse», tels les marchés, les places publiques… basés surtout sur l'oralité. Le processus de sa mutation et sa modernisation est jugé biaisé et lent, son affranchissement de l'ère du parti unique difficile, parfois très coûteux à tous les niveaux, d'où la nécessité d'un bilan large et courageux et de perspectives qui tiennent compte des défis actuels et à venir qui se posent au pays. Globalement, il est parfois difficile de rapprocher les avis au sein de la société. «Il y a beaucoup d'enjeux dans la presse, l'intérêt des lecteurs ne prime pas toujours sur celui des responsables de rédaction, des journalistes ou propriétaires et actionnaires des médias ; dans le monde, on dit que la presse est le quatrième pouvoir mais, chez nous, elle n'a pas de pouvoir parce qu'elle n'est pas objective, elle est trop partisane ou trop proche des pouvoirs publics ; elle n'est pas libre et est loin des préoccupations de la population. De ce fait, la presse est peu crédible», pense Fatma, jeune diplômée en sciences de la communication, employée vacataire dans un hôpital à Tizi Ouzou. Elle renchérit : «La presse a un certain pouvoir mais quand des centres d'intérêt politiques ou économiques l'utilisent contre les intérêts de la population.» sa collègue Souhila fait remarquer qu'il y a beaucoup de publicité et peu d'informations intéressantes dans la presse. «Le côté lucratif l'emporte sur les missions du métier de journaliste, il domine trop, il faut rééquilibrer tout ça si on veut redonner à la presse la place qui lui revient dans la société», dit-elle avant d'ajouter : «En plus du manque d'enquêtes et de reportages sensés et fiables sur des sujets qui touchent directement le niveau de vie de la population, je trouve qu'on lit quotidiennement énormément de mises au point, de précisions et de démentis dans la presse, ce qui veut dire que l'information publiée n'est pas vérifiée, la crédibilité des journaux en prend un bon coup.» Saïd ne désespère de voir la presse dépasser ses contraintes majeures pour atteindre un niveau de crédit plus élevé. Pour ce cadre d'entreprise publique d'un certain âge, beaucoup de sacrifices ont été consentis par la corporation et les acquis sont à préserver. L'espoir demeure entier quant à l'avenir des médias en Algérie. «Je pense que la presse a arraché des acquis importants qu'il est impossible de remettre en cause aujourd'hui par les pouvoirs publics ; de grands journalistes sont morts assassinés par le terrorisme, c'est ça le prix payé pour sortir de la presse du parti unique. Qui pourrait stopper aujourd'hui l'évolution de la presse libre à moins de vouloir retourner aux décennies de plomb qui ont suivi l'indépendance du pays, en 1962 ?» affirme-t-il. Toujours optimiste, il estime que le chemin qui reste à faire par la presse est «insignifiant» par rapport à celui parcouru depuis 1988 : «Il suffit de persévérer, de lutter quelques années encore pour aplanir les dernières difficultés liées à l'autonomie financière au plan des gains publicitaires et vis-à-vis des institutions politiques.» Beaucoup de personnes ont relevé le «monopole de l'Etat sur l'audiovisuel, privant ainsi la collectivité de la liberté de diffusion et de création», et le manque de journaux spécialisés.La presse a toujours la cote dans la société, il suffit de savoir l'entretenir pour longtemps pour avancer, pour, surtout, ne pas reculer.