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La plume au service des grandes causes et de l'indépendance de l'Algérie Conférence du journaliste et ancien sénateur français Claude Estier au CCF d'Alger
Le journaliste et ancien sénateur français Claude Estier a animé lundi dernier au CCF (Centre culturel français) d'Alger une conférence de presse intitulée «la presse française pendant la guerre d'Algérie», organisée par l'ambassade de France en Algérie dans le cadre de la célébration de la Journée internationale de la liberté de la presse. Dans le cadre de cette conférence, Claude Estier a relaté le combat de la plume des journaux français, majoritairement de gauche, pour l'indépendance de l'Algérie. Les journalistes français engagés pour la cause algérienne avaient sans cesse dénoncé la torture et les répressions. Il a déclaré à ce propos : «Mon sujet et mon désir, c'était de montrer au public que, dès l'insurrection de 1954, des journaux et des journalistes en France demandaient l'ouverture des négociations et combattaient pour l'indépendance de l'Algérie. Il s'agissait aussi de sensibiliser l'opinion française afin qu'elle se prononce pour l'indépendance de l'Algérie. Ce combat s'est poursuivi durant de nombreuses années dans le but de faire comprendre à l'opinion française qu'il n'y avait pas d'autres solutions que les négociations pour l'indépendance de l'Algérie.» Témoignant de sa propre expérience de journaliste, il a expliqué à la nombreuse assistance que l'opinion française était très mal informée sur la réalité du peuple algérien avant le déclenchement de la révolution du 1er Novembre 1954. Il a ainsi rappelé que les répressions sanglantes du 8 mai 1945 ont occupé une très faible place dans les colonnes de la presse française qui était en train de célébrer la victoire des alliés. Le conférencier a expliqué que c'est en 1949, en tant que journaliste au quotidien lyonnais le Progrès, qu'il avait fait son premier voyage en Algérie, accompagnant le président français Vincent Auriol. Il avait constaté à l'époque que les journalistes était «parqués» à 30 km d'Alger pour les tenir éloignés des réalités de l'Algérie sous le joug du colonialisme. Il a également rappelé que cette visite présidentielle était «une mascarade, dans la mesure où le Président n'a rencontré aucune personnalité représentant l'opinion publique musulmane». Refusant de participer à cette mascarade, Claude Estier prend l'initiative de rencontrer Ferhat Abbas en tant que parlementaire musulman. Suite à cette rencontre, l'article qu'il a rédigé, qui allait à contre-courant de la vision officielle, lui a coûté l'annulation de son accréditation auprès de l'Elysée et l'interdiction de séjour en Algérie. Témoin direct de la lutte de libération nationale et s'engageant par ses articles pour l'indépendance de l'Algérie, Claude Estier a eu, durant toute cette période, de nombreux déboires avec les autorités françaises, dont une inculpation par la justice suite à l'interview de Krim Belkacem. Lors de cette conférence, il a témoigné de l'engagement de certains journaux, à l'instar de France Observateur, de l'Express, de Témoignage chrétien et de la presse communiste, plaidant pour la reconnaissance des droits du peuple algérien à la liberté et à l'indépendance. Une presse militante qui avait subi la censure, les saisies, les inculpations et arrestations. A l'exemple de l'Express, saisi 22 fois, et de France observateur, 16 fois entre 1954 et 1961. Il a également cité des passages d'articles percutants des journalistes emblématiques de cette époque, tel Claude Bourdet, victime lui aussi d'une arrestation pour ses articles pro-algériens. Suite à la conférence, le cofondateur du Nouvel Observateur s'est prêté au jeu des questions-réponses avec le public. En réponse à la question d'une journaliste qui lui demandait si des excuses de la France au peuple algérien pourraient permettre de tourner définitivement cette page tragique de l'histoire, Claude Estier a affirmé : «Je le souhaite de tout mon coeur et j'espère que nous y arriverons. Mais, il est vrai, nous traversons une période difficile parce qu'il y a eu un certain nombre d'actes malheureux. Je crois aussi à la bonne volonté de part et d'autre pour renouer de bonnes relations. Je ne conteste pas qu'il y ait eu beaucoup de torts du côté français, mais il faut aussi que, du côté algérien, on voie les choses autrement et ne pas se limiter à certaines déclarations faites en France par des gens qui n'ont pas de sympathie envers l'Algérie et qui ne représentent pas, je peux vous l'assurer, la société française. Je ne pense pas qu'il y ait de l'hostilité de la société française envers l'Algérie. Il faut maintenant arriver à renouer les fils pour aboutir à quelque chose de concret.»A propos des écrits journalistique d'Albert Camus, il a déclaré : «Je n'ai pas partagé son sentiment à l'égard de l'Algérie et à l'égard de la guerre d'Algérie. Je n'ai donc pas cité Camus.»Interpellé sur les récentes déclarations d'un parlementaire concernant le film Hors-la-loi réalisé par Rachid Bouchareb, il s'exclamera : «Je suis totalement scandalisé par l'intervention de ce député de l'UMP, qui a voulu faire interdire le film Hors-la-loi au Festival de Cannes. Je pense que c'est une initiative totalement politicienne. Ce député représente une région dont les habitants sont majoritairement pieds-noirs ; je pense qu'il a voulu plaire à son électorat. C'est une initiative politicienne condamnable et je puis vous assurer qu'il n'y aura aucune suite à cette affaire.»Evoquant le métier de journaliste, il déclarera : «Je sais que les journalistes en Algérie sont engagés dans des combats particulièrement difficiles. Ils ont toujours la possibilité de s'engager et de se battre pour des causes. Je pense que c'est un noble métier en raison de cette possibilité de défendre les grandes causes et d'essayer de convaincre et de sensibiliser l'opinion publique. Comme nous l'avons fait en 1954 et 1962 pour convaincre l'opinion française de changer complètement d'avis par rapport à la perception qu'avaient les Français sur la réalité algérienne.» S. A.