«Il ne faut pas se limiter à quelques déclarations faites par des gens qui n'ont pas de sympathie pour l'Algérie», notera Claude Estier, journaliste et homme politique français. Fin avril, une polémique a éclaté sur le dernier film du Franco-Algérien Rachid Bouchareb, Hors la loi, en compétition au Festival de Cannes du 12 au 23 mai. Un député UMP, Lionel Lucas, avait demandé l'annulation de la projection, déclarant que ledit film, qui aborde les manifestations du 8 Mai 1945, était révisionniste et anti-français. Claude Estier, cofondateur du Nouvel Observateur, ancien rédacteur en chef de Libération et homme politique français, en conférence avant-hier au Centre culturel français d'Alger, n'est pas passé par quatre chemins pour exprimer son indignation par rapport à cette initiative. «Je suis scandalisé par cette initiative! Lionel Lucas, le député UMP des Alpes-Maritimes qui a demandé l'interdiction de la projection de Hors la loi, voulait, peut-être séduire son électorat composé dans sa majorité de pieds-noirs et de harkis», lâchera-t-il pour répondre à une question qui lui a été posée par l'assistance sur la controverse autour du film de Bouchareb. Organisée par l'ambassade de France à Alger, la conférence qu'a animée Claude Estier, lundi dernier, portait sur «La Presse française pendant la Guerre d'Algérie» et ce à l'occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse. L'intervention de l'auteur de J'en ai tant vu, était axée sur la presse française de gauche qui étaient contre la politique adoptée par le gouvernement français de l'époque en Algérie. «En cette période (de 1954 jusqu'à 1962), les journaux de la gauche ont été, à plusieurs reprises, victimes de saisie.», fera-t-il rappeler. Selon M.Estier, ce sont les journalistes d'obédience communiste ou socialiste qui ont réussi à façonner, par mille petits coups de burin, l'opinion française. En effet, puisque celle-ci était «mal informée» sur ce qui se passait de l'autre côté de la Méditerranée lors du déclenchement de la Guerre d'Algérie, en novembre 1954. Faisant partie de ces journalistes qui donnaient à entendre un autre son de cloche concernant la guerre qui a duré près de 7 ans, Claude Estier reviendra sur sa propre expérience lors de la guerre de Libération. «A l'issue de mon premier voyage en Algérie avec le président Vincent Auriol en juin 1949, j'avais fait un compte rendu pour le Progrès de Lyon à contre-courant de ce que les autres journalistes avaient rapporté. Cela m'a coûté mon accréditation auprès de l'Elysée et j'ai été même interdit de voyage en Algérie pendant un certain moment», se souvient-il. C'est lors de sa première visite en Algérie qu'il rencontrera Ferhat Abbas. «Le déclenchement de la guerre le 1er novembre 1954, ne m'a pas vraiment surpris...», fera-t-il noter au cours de son topo. Sur la très sensible question liée à la repentance de la France par rapport aux crimes commis en Algérie durant le colonialisme, cet homme politique fera observer que les deux pays doivent consentir les efforts nécessaires pour l'amélioration des relations bilatérales.