“Je le souhaite de tout cœur (…) il faut de la bonne volonté de part et d'autre”. Grande figure du journalisme français, cofondateur du Nouvel observateur, député puis sénateur à partir des années 1980, Claude Estier ne dissimule pas son optimisme quant à la perspective de la signature d'un traité d'amitié entre Alger et Paris. Même si le propos emprunte beaucoup plus à l'homme politique qu'au journaliste qu'il fut, ayant travaillé sur la question de l'indépendance de l'Algérie, Claude Estier est convaincu, pour peu qu'il y ait de la volonté, selon lui, de dépasser les incompréhensions et les tensions. “Je ne conteste pas qu'il n'y ait pas de tort en France, mais je ne pense pas qu'il y ait une hostilité vis-à-vis de l'Algérie dans l'opinion française”, a-t-il indiqué, en réponse à une question de savoir si la perspective de la signature du traité d'amitié est tributaire de la présentation par la France d'excuses pour les exactions commises durant la colonisation, lundi à Alger en début de soirée, lors d'une conférence débat organisée à l'occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse. Pour le vieux “briscard” du journalisme français, dont le premier “fait d'armes” fut d'avoir quitté le cortège présidentiel en 1949, lors d'une visite à Constantine — il était envoyé spécial du Progrès de Lyon — pour aller à la rencontre de Ferhat Abbas, la conférence débat au titre évocateur, “La presse française pendant la guerre d'Algérie”, a été une occasion pour lui d'égrener tous les “papiers”, pour reprendre un vocable du jargon journalistique, écrits durant la guerre d'indépendance en faveur d'une solution négociée. “Au retour en France, se rappelle-t-il, après ma rencontre avec Ferhat Abbas et Ali Boumendjel, je décris une situation autre que celle rapportée par certains organes de presse. Cela m'a valu un retrait de l'accréditation au niveau de la présidence et une décision d'empêchement de me rendre en Algérie”. On apprendra ainsi tout le travail effectué par Jean Daniel, Charles-André Julien, Henri Alleg, Robert Barat ou encore Guy Mollet pour éveiller la conscience de l'opinion française autour de la question algérienne. On apprend également le sort réservé aux journaux “empêcheurs de penser en rond”. Ainsi L'Express a été saisi 22 fois dont 9 sous le régime de De Gaulle, entre 1954 et 1962, tandis que France Observateur l'a été 16 fois. “Y avait une presse hostile à la négociation, mais la presse de gauche s'est battue pour faire comprendre qu'il n'y avait pas de solution en dehors de la négociation”, affirme Estier. Et Albert Camus ? “Je ne l'ai pas cité volontairement car je ne partageais pas sa vision”, dit-il. Interrogé sur la presse algérienne, l'ancien sénateur a estimé que “le combat des journalistes algériens prolonge d'une certaine manière le combat mené par les journalistes français”. “Ils peuvent toujours lutter pour des causes”, soutient-il. Enfin, il trouve “scandaleux” l'interdiction de la projection en France du film Hors la loi. M. Estier s'est, par ailleurs, refusé à répondre à une question sur ses relations avec l'ancien Président François Mitterrand. Une question qui l'a quelque peu irrité.