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La mauvaise conscience face à l'histoire
Publié dans La Tribune le 10 - 05 - 2010

Après la caravane généreusement proposée pour réhabiliter le discours colonialiste sournois et sibyllin, c'est au tour du ministère français de la Défense de s'insurger contre une fiction sous prétexte qu'elle contient des fautes d'histoire. Manifestement, les
nostalgiques de l'Algérie française refusent non seulement de reconnaître les crimes coloniaux de la France qu'ils regrettent, mais aussi que des historiens, des écrivains, des cinéastes… en parlent et leur rappellent les horreurs de leur «mère» qu'ils ont choisie contre la justice, la vérité et l'honneur.
Cette France arrogante et qui souffre de sa mauvaise conscience est en perte de vitesse face à la France qui a toujours existé, même minoritaire, dans le passé et qui domine aujourd'hui, celle fidèle à ses principes fondateurs de la Révolution de 1789, pour qui l'humanité est une et indivisible et pour qui les droits de l'Homme n'ont ni race, ni couleur, ni langue, ni culture, ni religion, ni patrie. Ces femmes et ces hommes justes sont au sein du collectif «Sortir du colonialisme» pour qui la levée de boucliers contre le film de Bouchareb, sélectionné au Festival de Cannes, «constitue non seulement une censure artistique inacceptable et contraire aux principes qui fondent notre démocratie, mais se situe de plus dans un contexte global de construction d'un mythe national reposant sur la glorification de la colonisation». «Cette censure est en droite ligne du débat sur l'identité nationale visant à redéfinir celle-ci, à l'image de ce dont le Front national a rêvé. Le débat d'Eric Besson sur l'identité nationale a laissé la part belle aux nostalgiques de l'époque de ‘‘l'Algérie française'' où le ‘‘Français musulman'' avait son statut ‘‘particulier''». Le collectif a appelé les professionnels du cinéma et les spectateurs réunis à Cannes pour le Festival international du film «à s'opposer fermement à toute tentative visant à empêcher la libre diffusion du film Hors-la-loi de Rachid Bouchareb». «65 ans après le massacre de Sétif, toute mesure de censure serait une manière d'occulter la mémoire des milliers d'Algériens victimes du massacre de l'armée française», a estimé le collectif. Ces femmes et ces hommes sont comme Henri Alleg qui ne mâche pas ses mots pour dénoncer le colonialisme, ce qui lui a valu torture et prison sous l'occupation. Alleg a, à ce titre, estimé que «le fait que Hors-la-loi de Rachid Bouchareb soit remarqué et sélectionné au Festival international de Cannes, cela veut dire qu'il dérange certains, car il apparaît comme une arme pour d'autres dans leur combat», a indiqué l'auteur de la Question, en marge de la commémoration des massacres du 8 mai 1945, organisée au Centre culturel algérien de Paris. Pour Henri Alleg, «des films comme celui de Rachid Bouchareb sont nécessaires». Parlant des massacres du 8 mai 1945, Alleg a constaté «une soif de connaître la vérité auprès des jeunes Algériens et Français» sur ce qui s'est réellement passé en Algérie au lendemain de la fin du 2ème conflit mondial. «La vérité, c'est que, jusqu'à aujourd'hui, 65 ans après ces massacres, on a tout fait pour cacher le fond des choses, c'est-à-dire la responsabilité fondamentale du gouvernement et du colonialisme français dans ces massacres», a-t-il poursuivi. Ces femmes et ces hommes, par leur honnêteté intellectuelle et leur probité morale, sauvent l'honneur de la France.
A. G.


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