La grève des cheminots commence à s'inscrire dans la durée sans que cela fasse bouger les responsables. Les dirigeants de l'Entreprise nationale des transports ferroviaires comme le premier responsable du secteur se contentent d'observer une situation de crise. Les chances de solution ne sont guère visibles si l'on se fie aux positions des parties concernées par la colère des travailleurs de l'entreprise. Face à la détermination des cheminots à faire aboutir leur revendication, la direction de l'entreprise n'a pas trouvé mieux que d'indiquer aux grévistes le chemin des tribunaux. Comme pour les enseignants et les praticiens de la santé, il y a quelques semaines, la grève des cheminots a été déclarée illégale. C'est le nouveau mode de résolution des litiges qui se généralise : toute grève est illégale dès qu'elle pose des revendications légitimes. Nous sommes dans une périlleuse contagion qui invite -troublante offre-, travailleurs et organisations syndicales à formuler des revendications illégitimes pour que leur mouvement ne soit pas déclaré illégal. Les chances de satisfaction des doléances deviendront dès lors réelles. Les deux parties préfèrent manifestement évoluer sur le terrain de l'extrémisme. «S'ils croient qu'ils vont nous avoir à l'usure, ils se trompent. Nous ne reprendrons pas le service tant que nos revendications ne seront pas satisfaites», disent les travailleurs grévistes. Le ministre des Transports refuse, pour sa part, de parler d'une augmentation du salaire de base des cheminots. De tels propos renseignent manifestement sur l'indisponibilité des antagonistes à négocier une véritable solution aux vrais problèmes qui se posent. Ils renseignant également sur l'absence de confiance entre gérants d'entreprise et travailleurs. C'est ce refus de «l'autre» qui produit des réactions aussi infructueuses qu'affligeantes. On trouve en effet de la peine à expliquer les raisons qui poussent un directeur général d'une entreprise publique, voire un ministre d'un secteur, à actionner l'appareil judiciaire pour un rôle d'arbitrage vidé de son attribut de neutralité. Cette façon de gérer une contestation omet visiblement qu'un travailleur dont le salaire de base est au-dessous du SNMG n'attend quasiment rien d'une direction qui s'est montrée incapable d'améliorer ses conditions socioprofessionnelles. Le travailleur n'a que la grève pour rappeler la précarité de sa condition et pour signifier la légitimité de ses revendications. Pour préserver des intérêts personnels et maintenir rentières des entreprises publiques, l'administration use des procédés les plus arbitraires pour décréter illégales des revendications unanimement reconnues comme légitimes. A. Y.