Suite à des investigations menées par la Gendarmerie nationale dans la capitale, 3 000 procès-verbaux relatifs à des affaires de détournement de foncier agricole ont été déposées auprès des juridictions des parquets généraux. L'information livrée, il y a près d'une année déjà, par le premier responsable de la gendarmerie au niveau de la wilaya d'Alger, porte sur plusieurs infractions, notamment le détournement des terres agricoles de leur vocation initiale. Si l'on convient que ces affaires ne constituent pas une première, puisque la justice a déjà eu à traiter des affaires similaires, dans le cadre des enquêtes sur l'épineux dossier de dilapidation du foncier agricole, une question s'impose : qu'attendent-elles pour être instruites, le feu vert politique peut-être ? Il est loisible de rappeler toutefois que la construction effrénée qu'a connue le centre du pays, s'est faite dès les années 1970, grâce à la ponction des parcelles agricoles ayant été affectées à des projets d'utilité publique, routes, usines et hôpitaux, etc. Mais, l'invasion du béton, qui phagocytera les meilleures terres arables, situées dans et autour de la Mitidja, s'est posée avec acuité durant les premières années 90, où la mainmise des militants du parti dissous sur la majorité des Assemblées locales du pays a été l'occasion d'user et d'abuser d'une prérogative que leur confiait la loi d'alors, l'octroi de terres agricoles aux fins de servir d'assiette de construction de maisons individuelles. Les militants du parti dissous s'en sont servis comme de biens propres ou de «butin», qu'ils distribuaient selon leur convenance, et en fonction de leurs connaissances. Au-delà du fait qu'elle servait de moyen de pression électorale sur les citoyens. La quasi-absence de l'Etat, durant la décennie noire, n'en facilitait pas moins la tâche aux administrateurs nommés à la tête des délégations exécutives communes (DEC) et qui les remplacèrent consécutivement à l'arrêt du processus électoral. C'était la foire-fouille. Par milliers, voire plus, des terres agricoles de Bab Ezzouar, d'El Hamiz, et de Rouiba, pour l'est d'Alger, et de Chéraga, d'Ouled Fayet pour le côté ouest, et au sud de Birtouta, de Tessala El Merdja et d'Ouled Chebel pour ne citer que celles-ci, ont accueilli en leur sein des suites de constructions hideuses de béton en guise de logements sociaux, des cités AADL. D'innombrables constructions y ont pris place, sans aucune harmonie architecturale ni embellissement de façade. Sans égard aux plans directeurs d'urbanisme des villes, des excroissances y ont vu le jour, dans une anarchie indescriptible, des enchevêtrements de maisons, sans le minimum requis, soit ni assainissement, ni viabilisation, encore moins certaines commodités comme l'électricité, l'eau courante ou le gaz. Cela au vu et au su des autorités, qui sous le couvert de lutte antiterroriste, ont laissé s'installer de telles situations préjudiciables aussi bien à l'environnement qu'au bien-être du citoyen, sans égard au plan directeur d'aménagement urbain (PDAU) et encore moins au Plan d'occupation du sol (POS). La crise de logement ayant atteint un seuil intolérable avec l'augmentation exponentielle de la population, durant la dernière décennie, elle a créé un besoin en assiettes foncières. Il était donc nécessaire de pourvoir le marché foncier, y compris en ayant recours au détournement des terres agricoles de leur vocation initiale. Vu la faiblesse de l'offre, les regards des spéculateurs se sont tournés vers les exploitations agricoles collectives et individuelles (EAC/EAI), dont les membres avides de rentrées de gains faciles ont été soudoyés par des nouveaux riches, plus avides de faire des affaires sur le dos des pseudo-agriculteurs. Résultat : des terres agricoles ont été livrées aux pelleteuses, avant le béton, sans que les autorités locales et encore moins la Direction des services agricoles bougent le petit doigt pour imposer le respect de la loi. Les EAC/EAI ont subi un démembrement en règle, en témoignent les affaires révélées par la Gendarmerie nationale. Si l'enquête menée jusqu'à l'année 2007 a abouti à la mise en examen de plus de 16 000 personnes, accusées de dilapidation de 6 366 ha de terres du foncier agricole au niveau de la wilaya d'Alger, les estimations font état de la perte de près de 150 000 ha de terres agricoles publiques et privées depuis 1962. Des mesures plus hardies en vue d'endiguer ce phénomène sont vivement recommandées. Ainsi, en attendant ce que donnera l'application du dispositif de contrôle permanent, mis en place, les spécialistes prédisent la disparition de près de 5 000 ha d'ici à 2015. La solution est à rechercher aussi dans la révision des 1 046 PDAU qui permettra à l'avenir d'avoir des surfaces urbanisables supplémentaires. A. R.