Synthèse de Smaïl Boughazi Décidément, le feuilleton grec ne fait que commencer. Alors que la Grèce vit actuellement des moments de plus en plus difficiles, en raison de la crise économique, l'onde de choc risque de bouleverser l'ordre établi même au sein de la communauté européenne. Malgré les différentes tentatives de l'Union européenne de sauver du moins ce qui reste de l'économie grecque, cette crise pourrait entraîner derrière elle d'autres économies européennes, à l'instar de l'Espagne, du Portugal et même de l'Italie. Les Bourses européennes en attente d'un signal positif Vendredi dernier, un nouveau vent de panique a soufflé sur les marchés financiers, touchant en particulier les Bourses européennes et l'euro, les inquiétudes persistantes sur la santé économique et budgétaire de la zone euro ayant eu raison de l'apaisement apporté par le méga-plan de l'UE. Les Bourses européennes ont fini sur de fortes baisses : -4,59% pour Paris, -3,14% à Londres, -3,12% à Francfort, -3,13% à Amsterdam, -3,41% à Athènes. Les pertes ont été particulièrement marquées dans le sud de la zone euro, à Madrid (-6,64%), Milan (-5,26%) et Lisbonne (-4,27%). Wall Street a cependant limité ses pertes en fin de séance, et le Dow Jones a finalement perdu 1,51% et le Nasdaq 1,98%. Selon les analystes, «les investisseurs doutent de plus en plus des capacités de croissance de certains pays d'Europe alors que des politiques de rigueur budgétaire se mettent en place, qui vont réduire les capacités de consommer». L'euro également est tombé à son plus bas niveau depuis fin octobre 2008 à 1,2355 dollar, les cambistes craignant que les problèmes de dette en zone euro ne pèsent à long terme sur la reprise économique en Europe et ne remettent en question l'union monétaire, notaient des courtiers. Il s'échangeait à 1,2363 dollar, contre 1,2533 dollar jeudi soir. La monnaie unique était montée lundi dernier à 1,30 dollar après l'annonce d'un plan de soutien d'une ampleur inédite de 750 milliards d'euros destiné aux pays de la zone euro en difficulté, avant de battre en retraite. On explique que «la tentative de stabiliser l'euro n'a eu qu'un effet à très court terme». Des informations rapportées par le quotidien El Pais selon lesquelles le président français Nicolas Sarkozy aurait menacé de retirer la France de la zone euro pour forcer Angela Merkel à accepter le plan de sauvetage de la Grèce ont aggravé aussi la panique. Face à cette situation qui ne prête guère à l'assurance, le Fonds monétaire international FMI a appelé tous les pays de l'Union européenne à engager des réformes, se montrant particulièrement critique quant à leurs perspectives de croissance. Lors d'une conférence de presse à Bruxelles, le directeur du Fonds pour l'Europe, Marek Belka, a précisé que «l'Europe est à un moment décisif». FMI : «l'Europe est à un moment décisif» La crise de confiance déclenchée par la situation économique de la Grèce «est contagieuse», a mis en garde l'ancien Premier ministre polonais, «les marchés sont extrêmement sensibles à la situation des comptes publics». Il a déclaré en outre que «d'autres pays» que le Portugal et l'Espagne peuvent entrer dans la tourmente. Le FMI a été impliqué dans le plan de sauvetage mis en place pour la Grèce puis dans le plan de secours mis au point pour la zone euro. Il faut dire que le Vieux Continent est actuellement en pleine effervescence. Moins d'une semaine après une intervention d'urgence des pays de l'UE pour sauver du naufrage l'économie grecque et, partant, la contagion d'autres pays voisins (Espagne, Portugal), tous les clignotants ont viré au rouge. Pour le président de la BCE, «les marchés se trouvent sans aucun doute […] dans la situation la plus difficile depuis la Seconde Guerre mondiale, voire depuis la Première», a-t-il indiqué dans un entretien à paraître dans l'hebdomadaire Spiegel. «Nous avons vécu et vivons des temps véritablement dramatiques», a-t-il poursuivi, relevant qu'à la fin de la semaine dernière, lors de la vague de panique sur les Bourses européennes, «les marchés ne fonctionnaient plus, c'était presque comme au moment de la faillite de Lehmann Brothers en septembre 2008». Cette tourmente qui secoue la zone euro pourrait saper même la reprise en Europe de l'Est, qui sort tout juste de sa pire crise depuis la chute du communisme, a prévenu le président de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), Thomas Mirow. «Les derniers développements au sein de la zone euro sont de la plus haute importance pour les pays rassemblés autour de cette table», a déclaré M. Mirow, au cours d'une réunion des chefs de gouvernement des Balkans, organisée en marge de l'assemblée générale annuelle de la BERD. La même source a affirmé aussi que «la crise en Grèce a le potentiel de saper les efforts de reprise, en particulier si les banques grecques et leurs filiales régionales venaient à être affectées par les incertitudes sur les marchés, en dépit de leur bonne santé intrinsèque», et «les mesures décisives adoptées par l'Union européenne et le FMI constituent donc une étape bienvenue pour apaiser les marchés». Tourisme : le grand perdant Malgré la multiplication des plans de sauvetage, il faut souligner que les effets de la crise sont loin d'être annihilés. Pis, certains secteurs stratégiques sont sérieusement menacés, tel le tourisme. Ce pilier de l'économie grecque est frappé de plein fouet par une cure d'austérité, au point que le gouvernement a décidé de mettre en place un «comité de crise» pour endiguer l'hémorragie. Si certains responsables du secteur avaient tenté de minimiser l'ampleur de la crise, le gouvernement a, lui, reconnu que «le tourisme grec est dans une situation critique». Le porte-parole du gouvernement George Petalotis a annoncé, jeudi dernier, la mise en place d'un «comité de crise» piloté par l'Organisme grec du tourisme (EOT) qui dépend du ministère du Tourisme. «Il y a des milliers d'annulations, en raison des incidents des derniers jours et de la récession, qui provoquent chaque semaine la perte de dizaines de millions d'euros», a-t-il ajouté.