Photo : S. Zoheir Par Samira Imadalou Avec l'appui du ministère de la PME et de l'Artisanat, un groupe de chefs d'entreprise envisage de créer un institut algérien de gouvernance avant la fin de l'année en cours. Théoriquement, cet institut sera chargé d'assurer le suivi de l'application du code algérien de gouvernance d'entreprise par les PME algériennes et son actualisation. Au stade de la mobilisation des fonds, quel impact aura-t-il une fois finalisé sur la gestion de nos entreprises ? Connaissant l'importance des besoins de nos entreprises en matière de gestion et les lacunes qu'elles cumulent dans le traitement de certains dossiers, cette question s'impose, surtout une année après l'élaboration du code de bonne gouvernance dont l'application reste faible sur le terrain. Le lien entre le code et l'institut est étroit. Car, à travers cet institut qu'on envisage de créer, l'objectif est de pérenniser la démarche du code. Or, l'adhésion à cette charte est toujours timide. Le comportement des PME à l'égard de ce code est identique à celui adopté à l'égard de la mise à niveau au début de son lancement. Autrement dit, c'est toujours la frilosité par rapport à ce code. Ce qui explique d'ailleurs la décision de lancer une campagne de sensibilisation dès la fin du mois en cours à l'importance d'appliquer les principes de cette charte.Dans ce cadre, des conférences régionales seront programmées afin de sensibiliser les chefs d'entreprise à la nécessité d'améliorer les outils de gestion via le code de gouvernance. Un sujet qui revient souvent dans les débats et les discours officiels. Tout le monde s'accorde en effet à dire aujourd'hui que tout développement passe d'abord par une bonne gouvernance. Le code de gouvernance en attente d'application Les experts ne cessent de le répéter : «La compétitivité est à mettre au crédit des entreprises qui emploient un personnel bien formé et techniquement compétent, capable d'adopter les nouvelles technologies pour produire et vendre des biens et services complexes.» La bonne gouvernance figure d'ailleurs parmi les maillons nécessaires (éducation, TIC, innovation et gouvernance) pour la mise en place d'une politique intégrée d'économie de savoir. En Algérie, comme c'est le cas dans d'autres pays du monde arabe et d'Afrique, l'absence de ce maillon constitue un obstacle pour le développement des PME, en particulier, et de l'économie, en général. Pour rappel, l'idée d'élaborer un code de bonne gouvernance d'entreprise remonte à 2007. Le Forum des chefs d'entreprise (FCE), le Cercle d'action de réflexion autour de l'entreprise (CARE) et le ministère de la PME et de l'Artisanat avaient retenu ce projet parmi les priorités. Avec le soutien des organismes internationaux qui y ont apporté une contribution importante, comme la Société financière internationale (SFI), le programme Meda d'appui aux PME, le projet est arrivé à bon port au bout de deux ans. Mais son adoption risque de prendre plus de temps vu les résultats sur le terrain. Aujourd'hui, en plus du FCE et du CAE, l'APAB (Association des producteurs algériens des boissons) et l'ABEF (Association des banques et établissements financiers) sont parties prenantes du code. Mais cela reste insuffisant. Pourquoi ? Plusieurs paramètres expliquent cette frilosité. Le fait que la gouvernance d'entreprise renvoie à une démarche libre et volontaire n'encourage pas son adoption. Si cette charte avait un caractère obligatoire, les résultats auraient été différents de ceux d'aujourd'hui. En outre, le statut familial de PME ne facilite pas l'adhésion à ce code qui vise essentiellement à introduire un maximum de rigueur et de transparence dans la gestion, l'administration et le contrôle des entreprises. La transparence est loin d'être l'apanage des entreprises familiales qui refusent de divulguer certaines informations (l'exemple du chiffre d'affaires) pourtant nécessaires dans ce cas. Il faut dire aussi que ce code est un moyen susceptible de contribuer à la lutte contre la corruption, à travers des entreprises touchées par ce problème, des entreprises qui devraient adopter des mécanismes de contrôle interne plus poussés, au niveau des outils mis en place. Il reste à espérer que cette campagne de sensibilisation apporte des changements et pousse les PME désireuses de soigner leur image à adopter le code qui a pour objet de doter l'entreprise d'outils performants de gestion. En effet, ledit code, une fois appliqué, mettra à la disposition des entreprises algériennes, partiellement ou totalement privées, un instrument didactique leur permettant d'appréhender les principes fondamentaux de la gouvernance d'entreprise et d'engager une démarche en vue d'intégrer ces principes en leur sein.Du côté des spécialistes, on estime que cette réticence est tout à fait normale. «Il faut constituer une élite et donner l'exemple. Cette élite est un passage obligé, les entreprises qui vont adopter le code serviront de business story», relève un consultant international dans le domaine de la gouvernance. Et d'ajouter : «C'est par la suite qu'on pourra dupliquer l'expérience à des milliers. Mais, à ce stade-là on n'y peut rien.» Ce qui risque de durer encore longtemps dans un pays qui a besoin de bases solides pour construire un tissu de PME performantes capables de relever le défi de la diversification économique.