C'est dans une ambiance festive, emplie de voix d'enfants au regard émerveillé, que s'est déroulée, mardi dernier, une visite guidée de différents sites historiques de la Casbah d'Alger, organisée au profit des élèves de sept établissements, par l'Association des amis de la rampe Louni Arezki (ex-rampe Valée), à l'occasion de la clôture du Mois du patrimoine. Le président de l'association, Lounes Aït Aouida, explique : «Vous avez aujourd'hui plus de trois générations qui sont réunies pour partager et transmettre la mémoire. On espère que cette visite sera un déclic pour que d'autres institutions s'impliquent dans ce genre d'initiative. Il est important de susciter l'intérêt des jeunes pour l'histoire de la Casbah à travers un lien direct et vivant avec les lieux, pour que cela marque leur esprit et leur mémoire.» C'est vers 15 heures que le cortège d'une centaine de personnes quitte en file indienne le siège de l'association, avec à sa tête, El hadj Zoubir, le guide de cette journée mémorable. Septuagénaire, dynamique et très loquace, El hadj Zoubir ne tarissait pas d'explications au détour de chaque ruelle, de chaque maison, de chaque fontaine. Les enfants commencèrent par découvrir la rue du Diable, surnommée ainsi parce qu'elle était en forme de fer à cheval. Puis, ce fut l'escale à l'intersection surnommée les Quatre Chemins, où l'on pouvait, d'un côté, apercevoir Sidi Ramdane, la plus vieille mosquée d'Alger, et, de l'autre, une vue panoramique de la Casbah qui se prolonge jusqu'à la baie d'Alger. A cet endroit, un groupe de jeunes garçons jouant au football ont tenté de chahuter le cortège. Hadj Zoubir et les aînés de l'association, après les avoir réprimandés, leur ont expliqué le but de cette visite. Surpris et curieux, un petit groupe de ces jeunes garçons ont délaissé le ballon rond pour suivre le cortège et découvrir avec des yeux ébahis certains aspects de l'histoire de leur citadelle, qu'il ne connaissait pas. Quelques ruelles plus loin, il y a notamment eu une escale, à la rue du Chameau, où se trouve la maison de la famille Racim qui a vu naître le maître de la miniature algérienne. Sur un ton humoristique, hadj Zoubir relève que le colonialisme a tenté de transformer la Casbah en parc zoologique en donnant des noms d'animaux à beaucoup de ruelles. Arrivé à Bir Djibah, devant une plaque commémorative des martyrs de la révolution, hadj Zoubir explique que les endroits qui commençaient par «bir» (puits) étaient à l'origine des relais qui servait d'abreuvoir aux chevaux des voyageurs. Il ajoute sur un ton solennel, à propos de «Bir Djibah», que «la majorité des habitants de ce quartier ont contribué à la révolution algérienne et il compte de nombreux martyrs, parmi eux le jeune Boualem Rahal, dont l'état civil a été falsifié par les autorités coloniales afin qu'il soit guillotiné soi- disant à l'âge de 21 ans, alors qu'en vérité le jeune martyr n'avait que 16 ans». Il a également montré les maison des autres martyrs, Saïd Touati, Hmida Raadi, Ben Lamine Mohamed. Après la visite de la rue Bouderiess père et fils sauvagement torturés par le colonialisme, le guide montra aussi les ruelles mythiques du film la Bataille d'Alger. Les enfants découvrirent aussi l'histoire de sidi Mohamed Cherif, le saint protecteur d'Alger. Et celle des deux princesses, N'fissa et Fatima, les fille de Ramdane Pacha, à la rue N'fissa. Un habitant du quartier, qui se trouvait sur le seuil de la porte de son épicerie assura aux personnes présentes que le mausolée des deux princesses a été protégé par les habitants du quartier contre l'obscurantisme de la décennie noire. Un autre jeune du quartier, Aberrahmane, descendant de la famille du martyr Cherif Debah, confie que sa veuve a cousu le premier emblème de l'Algérie à la Casbah. Il a également montré aux enfants des journaux qui datent du début du siècle. Parmi le cortège se trouve Rabeh Lounis Tafat, directeur du CEM Zine El Abidine, situé à la rampe Areski Louni. Il confie «J'ai tenu à accompagner mes élèves, car sincèrement je voulais aussi réaliser un rêve d'enfant. A l'époque, la visite de la Casbah était le privilège des touristes, c'est la première fois que des enfants algériens ont ce privilège.» Face à l'engouement des enfants, il aspire à ce que l'établissement travaille en partenariat avec l'association pour que d'autres élèves puissent bénéficier de ce type d'action. Sa fille, Lydia, suivait assidûment les explications de hadj Zoubir et ne cessait de poser des questions, à l'instar des autres enfants qui étaient munis de calepins et de stylos et notaient précieusement les explications. La visite des enfants s'est poursuivie au Musée de la Casbah arts graphiques et au Musée des arts traditionnels et populaires avant de se terminer au mausolée de Sidi Abderrahmane. Dans ce lieu saint, les élèves ont déposé des gerbes de fleurs sur les tombes du philosophe et penseur Mohamed Benchneb, des deux savants, père et fils, Mohamed Sadek et Mohamed Saïd Ibn Zekri, de Ahmed Bensmaya et de l'artiste peintre Ali Khodja. S. A.