Photo : Riad De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi La wilaya se démène pour se mettre dans la peau d'une mégalopole. Elle continue sa métamorphose, mais les chantiers engagés semblent s'éterniser. Cette situation engendre des désagréments qui compliquent le quotidien des citoyens pris comme dans un étau entre la modernisation en chantier et les déboires de la lenteur administrative aggravée par la bureaucratie sévissant malgré les progrès des technologies. Dans les services publics, sur la route, chez soi, le citoyen aura toujours un désagrément à supporter. En tant que capitale de l'Est algérien, la wilaya de Constantine n'a pas encore convaincu ses citoyens de ce statut toujours mis en avant. Et pour cause, les couacs au quotidien qui empoisonnent la vie de la population et renvoient une image qui n'est pas celle d'une ville moderne, loin s'en faut. Le logement constitue le méga problème qui continue de sévir en dépit de plusieurs recasements et transferts justifiés par la récupération des assiettes foncières devant accueillir des projets d'utilité publique. Avoir un toit décent est la préoccupation majeure des Constantinois qui ne pensent même plus à revendiquer la qualité tant le besoin est aigu. La situation a empiré jusqu'à devenir insoutenable, voire ingérable. «Toute la nouvelle ville est saturée de logements et les simples citoyens s'usent en doléances pour décrocher un toit. Il faut revoir la copie quant à la désignation des commissions installées à cet effet car beaucoup de personnes sont lésées à cause des passe-droits ou par omission», dira un des bénéficiaires de la dernière liste des 200 logements sociaux, mais qui n'a pas encore reçu les clefs de son logement… Le constat le plus éloquent de l'anarchie prévalant dans le logement demeure les récentes démolitions des bâtisses de l'avenue de Roumanie qui ont provoqué des émeutes. De telles réactions illustrent l'absence de toute notion de bonne gouvernance chez les administrations locales dans leur gestion des affaires de la wilaya et de la ville qui nécessite aujourd'hui un plan d'urbanisation moderne dont la concrétisation ne peut faire l'économie de l'implication du citoyen. La situation est d'autant plus difficile à redresser que les pouvoirs publics ont trop longtemps fermé les yeux sur les dépassements, les détournements de terrains, les constructions illicites, surtout durant cette décennie noire qui a vu l'Etat tout délaisser pour s'occuper de la lutte contre le terrorisme. Et pendant qu'il s'occupait de rétablir la sécurité, d'autres, profitant de l'impunité, faisaient des affaires avec les biens publics. La wilaya de Constantine ne fait pas exception. Des terres agricoles ont été détournées au profit de la construction. Aux bidonvilles qu'elle avait déjà, d'autres s'ajouteront pour enlaidir un peu plus la ville. Il faut attendre les dernières années pour voir l'éradication des bidonvilles et des habitations précaires devenir une priorité nationale. Des programmes sont lancés dans cette perspective à travers le pays. A Constantine, les autorités locales affirment que d'ici à 2011, la ville des Ponts sera complètement débarrassée de ces cancers urbanistiques. Mais c'est un pari difficile à réaliser, selon de nombreux cadres locaux qui reviennent toujours à la problématique du recensement et des commissions mixtes chargées de ces dossiers. Conscient de ces faiblesses, le wali, pour remédier, ne manque pas, à chacune de ses sorties à travers les municipalités, d'interpeller les maires, leur demandant d'être intraitables quant à l'installation de nouveaux bidonvilles. «Il faut rester vigilant et s'opposer à toute nouvelle construction aux abords des villages», demande le chef de l'exécutif qui n'a d'ailleurs pas ménagé un responsable local la semaine dernière lors d'une sortie dans la commune de Aïn Abid et ses environs. Un nouveau taudis ne fera que retarder l'opération et aggravera un peu plus la situation déjà suffisamment compliquée. La bureaucratie, une «institution» qui empoisonne la vie des citoyens Les déboires des citoyens ne s'arrêtent pas uniquement au problème du logement et de sa qualité. La bureaucratie est cet autre poison qui complique tout. La moindre démarche auprès de l'administration deviendra dès lors une entreprise de longue haleine dont l'aboutissement est des plus aléatoires. Les services d'état civil, sollicités pour la constitution de tout dossier, sont un exemple parfait de cet embrouillamini bureaucratique qui complique la vie de tous les citoyens. «Nous sommes un pays consommateur de papier. Pour un simple dossier, on nous demande une liasse. Une semaine de congé est nécessaire pour pouvoir rassembler toutes les pièces demandées», se plaint un homme au guichet d'une mairie, attendant son tour dans cette file qui n'en finit pas de s'étirer. «On se demande pourquoi on n'ouvre pas des guichets et ne recrute pas autant que nécessaire pour mettre fin à ces interminables attentes qui mettent les nerfs du citoyen comme du préposé en pelote. De plus, les responsables devraient assumer pleinement leur charge et veiller à la bonne marche de leurs services. Il est inadmissible de voir le personnel travailler à sa guise et au ralenti de surcroît sans se soucier de l'emploi du temps du citoyen», se plaint un autre. De plus, avec l'instauration des cartes d'identité et passeports biométriques, les daïras et autres services communaux grouillent de monde alors que leurs employés ne sont pas tous au diapason des nouvelles donnes. «L'acte de naissance spécial nous fait perdre beaucoup de temps et les maires qui doivent les signer ne sont pas toujours disponibles», commente un jeune Constantinois. Et quand on sait que l'administration est partout, on comprend l'omniprésence des problèmes et des tracasseries qu'endurent les citoyens dont le pouvoir d'achat est en chute continuelle. En matière de raccordement au gaz et à l'électricité, la wilaya est parmi les premières à l'échelle nationale. «Plus de 90% des raccordements sont effectués dans les communes», soutiennent les responsables de l'énergie et les autorités locales. Il reste cependant à réguler quelques endroits reculés qui n'offrent pas beaucoup de possibilités d'accès. Quand l'aménagement urbain devient anarchie urbanistique L'aménagement urbain bat de l'aile dans beaucoup de communes. La balle est souvent renvoyée aux bureaux d'études qui «bâclent» le travail une fois le marché décroché. L'aménagement approximatif de la place Kerkeri dans la ville de Constantine, le revêtement accidenté des trottoirs, le bitumage imparfait des routes, la défectuosité des routes constituent un autre souci et mettent à nu le travail des opérateurs choisis pourtant soumis au respect des cahiers des charges. Mais il semble que «respect des engagements», «cahiers des charges», «obligation de résultat», «contrôle» sont des concepts vidés de leurs sens, des mots vains. Toutes ces imperfections, bien que d'ordre esthétique, influent sur la qualité de vie des citoyens qui rêvent d'avoir un cadre plus beau et agréable. A l'exception des boulevards «aménagés» pour charmer les officiels, les autres rues au niveau des cités et des zones industrielles attendent toujours réfection. Cette situation, selon des responsables, appelle au civisme des industriels et à la contribution de la population. «Il est inconcevable que des opérateurs économiques ayant bénéficié de lots à un prix symbolique pour l'implantation de leurs activités attendent le soutien de l'Etat pour parfaire quelques mètres de routes à l'intérieur des zones», dira un cadre de la wilaya. Dans ce contexte, les multiples promesses et sentences formulées lors des réunions des élus locaux n'ont pas été concrétisées. Il suffit de sillonner quelques cités pour s'apercevoir de l'aménagement indigne pour une grande ville qui plus est désignée capitale de l'Est. Et l'on s'interroge sur les ratifications des projets destinés à cet effet par les services d'urbanisme des APC. Constantine se métamorphose, ou plutôt se dénature dans plusieurs endroits. Préoccupée qui par une coupure d'eau, qui par l'obligation de faire la queue pour retirer un document, s'acquitter des factures d'électricité, de téléphone et autres casse-tête, la société civile ne se rend pas compte que la wilaya s'anarchise.