De notre correspondant à Constantine Nasser Hannachi Les institutions culturelles étatiques piétinent souvent à Constantine en raison d'un manque d'apport créatif apte à attirer l'attention des férus. Pourtant, ce ne sont pas les mannes financières de la tutelle qui font défaut, en témoignent les multiples manifestations internationales organisées durant ce mois dans plusieurs régions et villes du pays dont la capitale. Ce n'est pas pour le seul plaisir, même s'il est réel et grand, de rencontrer un public que les artistes montent sur scènes. C'est aussi leur métier et il s'agit d'en vivre. Il faut donc leur assurer un cachet «attrayant» pour les stimuler et les amener à donner le mieux d'eux-mêmes.Mais en dépit des aides et budgets déboursés, le public est souvent déçu par la qualité des prestations. Pour les uns, c'est du pur remake et pour d'autres ce n'est qu'une échappatoire pour tromper l'ennui estival dans un pays qui peine à intéresser les estivants, en ces mois de vacances notamment. La capitale de l'Est aura baissé rideau le 9 juillet dernier, juste après le Festival international du malouf. La clôture consommée, le vide a repris la place. La population se morfond. Le rapport offre et demande ne tient pas dans le domaine de l'activité artistique. Les goûts et les attentes du grand public sont rarement pris en compte lors de l'établissement d'un planning. Ce qui voue à l'échec une bonne partie des initiatives programmées. Mais ces ratages récurrents profitent souvent à la médiocrité ! La ville est déserte et les aires destinées à la culture sont en jachère. Les rares mécènes qui luttaient pour assurer une continuité à longueur d'année semblent avoir compris le message des autorités locales en manque d'inspiration : rien ne se fera sans nous. De fait, ces derniers agissent telle une machine à programmes, cadrant avec les dates officielles et puis, c'est le silence radio qui revient. Si l'on exceptait les centres culturels, les bibliothèques de proximité et quelques autres antres où la culture ronronne, il faudrait chercher longtemps pour trouver un lieu voué à la culture. Un lieu créé et animé par une ou plusieurs personnes qui n'ont rien à voir avec les institutions et les responsables administratifs. Cet état de fait n'est pas le fruit du hasard. Il est le résultat du désintéressement, notamment des responsables et de la population qui, elle, ne s'attache pas beaucoup, voire ne croit pas, aux efforts et concours de ces militants pour la socialisation de la culture. L'implication est quasi absente et les autorités ne songent à soutenir que les actions émanant du ministère ou organisées localement, dans le cadre d'une culture institutionnelle, politiquement correcte. On ne prête qu'aux riches, dit l'adage. Ce proverbe a trouvé une autre formulation à Constantine : on ne prête qu'à ceux qui caressent dans le sens du poil. Les associations qui ne se plient pas aux règles tracées par les pouvoirs publics ou autres privés repoussant l'imperfection sont mises à l'écart quand il s'agit d'une aide, fut-elle morale, qui pourrait donner de l'entrain à leurs efforts. Ainsi, la capitale de l'Est est dépourvue de cafés littéraires et de ces petites scènes privées. Elle vit sa métamorphose avec ses éternels chantiers en se dotant davantage de fast-foods, de bazars et tous ces commerces dédiés à la culture du ventre. Quant à ces lieux qui se vouent à la véritable culture, ils sont en voie d'extinction. Les meilleures parcelles de terre «octroyées» par le foncier ne renferment nullement des programmes d'expansion de la culture qui honoreraient la capitale, et le statut de cette médina est en souffrance. Les constructions à usage commercial s'imposent dans le décor urbain de Constantine qui fait fi de la promotion des arts. D'ailleurs même dans les demandes déposées auprès de l'administration locale, il nous est impossible de trouver une offre émanant d'un privé désireux d'investir dans le domaine culturel, à l'exception d'un qui sollicite les autorités locales pour des chantiers visant la socialisation et la diffusion en continue de la culture.La Direction de wilaya de la culture se dit bien prête à épauler les projets qui cadrent avec les programmes officiels. Toutefois, on ne se bouscule pas au portillon. Ce sont les mêmes qui reviennent et profitent des aides. Autrement dit, les conservateurs de la musique andalouse dont le fonds de commerce n'a pas pris une ride. Livres, cinéma, danse et autres activités artistiques tentent vaille que vaille de se frayer un accès pour offrir aux Constantinois une autre activité plus fraîche qui contrasterait avec la musique andalouse et ce ronronnement soporifique. Constantine n'a pas ouvert ses portes à l'universalité. Elle débourse juste de l'argent, beaucoup d'argent, pour mettre quelques touches de couleurs pâlottes dans ce grand désert culturel.