Photo : M. Hacène De notre correspondant à Tizi Ouzou Malik Boumati Les magasins de pièces de rechange automobiles fonctionnent au ralenti depuis plusieurs mois dans la wilaya de Tizi Ouzou, principalement pour cause d'indisponibilité de plusieurs sortes de produits, particulièrement les pièces d'usure comme les plaquettes de freins, toutes sortes de rotules, les disques d'embrayage et les différents filtres… Et la raison n'est pas à chercher très loin. Les importateurs et les détaillants pointent du doigt la généralisation du crédit documentaire (Credoc) à toutes les opérations d'importations imposé par la loi de finances complémentaire 2009. Bien entendu, ce n'est pas la loi qui est ciblée par nos interlocuteurs ni même le Credoc, mais plutôt la lenteur qui caractérise sa mise en application. Un importateur que nous avons interrogé donnera même des détails en quelques chiffres concernant la procédure imposée par le crédit documentaire. Donc, il lui faut, dans le cadre d'une opération d'importation, au moins vingt-cinq jours pour un contrat de suivi afin d'avoir une ligne de crédit, suivis de quinze jours nécessaires à la collecte de toutes sortes de documents administratifs. Ensuite, l'importateur devra attendre quinze autres jours pour l'acquisition du fameux document B41, une sorte de feu vert pour la réception d'une marchandise quelconque. Et ce n'est pas encore fini, puisque, selon notre interlocuteur qui a requis l'anonymat, il faudra encore au moins une dizaine de jours pour passer à la commission des fraudes alors que la commission des douanes lui coûtera encore dix autres jours. Notre interlocuteur montrera un peu de colère dans ses propos quand il dit que, dans cette façon de faire, «l'Etat protège plutôt le fournisseur étranger que l'importateur algérien» en donnant l'exemple de la ligne de crédit «irrévocable» qui met l'importateur algérien dans la difficulté, parce que «dans ce cas, si l'importateur contrôle le contenu des conteneurs et trouve de la marchandise de piètre qualité, il ne pourra même pas revenir en arrière et refuser la marchandise», dit encore notre interlocuteur qui n'omettra pas de stigmatiser cette lenteur qui lui coûte, par ailleurs, jusqu'à 12 000 dinars par jour au niveau du port d'Alger, et ce, au-delà des quinze jours de franchise réglementaires. Et c'est ce qui arrive aux importateurs à cause de la lenteur de la procédure de mise en application des nouvelles mesures induites par le Credoc. Pourtant, notre interlocuteur dit trouver les mesures prises dans le cadre de la loi de finances complémentaire très intéressantes pour les importateurs travaillant de façon réglementaire et qui importent des produits d'origine et de qualité. «Ce sont des mesures qui nous protègent des faux importateurs», ajoutera-t-il non sans regretter cette lenteur qui «gâche une belle opportunité de redorer le blason de la corporation des importateurs», cette corporation des mal-aimés des populations qui les considèrent comme la source de toutes les marchandises médiocres et parfois dangereuses qui ont envahi le marché algérien. Bien entendu, ce qui retarde l'action des importateurs se répercute inéluctablement sur les grossistes et les détaillants. Les magasins de pièces détachées de la wilaya de Tizi Ouzou se vident depuis plusieurs semaines à cause justement de ce problème de lenteur. Il y a quelques mois, un grossiste en produits alimentaires, installé à la périphérie du centre-ville de Tizi Ouzou, a décidé de revenir à ses premières amours et de transformer son local en magasin de pièces détachées. Il a eu juste le temps de vider son local et de le repeindre en bleu, la couleur fétiche des magasins de pièces de rechange. Depuis février dernier, son local est prêt mais la marchandise supposée garnir ses étagères nouvellement installées n'est toujours pas disponible. Aujourd'hui, sa seule occupation reste l'entretien de son local, et ce, en attendant que la procédure d'application des dispositions édictées par le Credoc arrive à terme et libère enfin la marchandise tant attendue. Un autre détaillant en pièces de rechange automobiles interrogé estime que son commerce tourne au ralenti. Sans aucune hésitation, il point du doigt le fameux crédit documentaire édicté par la loi de finances complémentaire de l'année écoulée, responsable, selon lui, du retard accusé dans la livraison de la marchandise. «Les produits d'usure, à grande consommation, comme les plaquettes, les rotules, les disques et tous les produits de filtration, sont les plus concernés par la pénurie induite par cette fameuse loi de finances», dit notre interlocuteur avec une certaine amertume non sans préciser que le Credoc est responsable non seulement de cette indisponibilité de produits, mais aussi, et tout naturellement, d'une augmentation des prix qui varie de 10 à 20%. Naturellement parce que, quand l'offre ne répond pas suffisamment à la demande, les prix prennent toujours une courbe ascendante et ce, selon la loi implacable de l'économie de marché. D'autres commerçants de la région de Tizi Ouzou spécialisés dans la vente de pièces de rechange automobiles se sont prononcés aussi sur le Credoc et la LFC 2009 avec la même amertume, puisque tous expriment les mêmes préoccupations induites par les nouvelles mesures gouvernementales. Pratiquement, tous les détaillants interrogés expriment surtout le vœu que cette situation cesse, soit par l'allègement de la procédure, soit par l'abrogation du Credoc. La majorité, cependant, penche plutôt pour la première proposition qui empêche, selon leurs dires, «les importateurs véreux d'importer n'importe quoi et n'importe comment».