Les frontières s'estompent. Pas pour tous, certes. La circulation libre des personnes est toujours soumise à des filtrages, visas, contrôles, restrictions, voire interdictions, du moins pour certains citoyens de certains pays, du Sud évidemment. Mais la mondialisation et la globalisation qui sont portées par l'économie, ont toutefois imposé aux politiques une ouverture, même sélective, des barrières frontalières. Et la culture comme les artistes font désormais partie de cette liste de produits et de personnes bénéficiant d'une relative liberté de voyager. Les frontières deviennent de plus en plus permissibles pour les échanges culturels Sud-Nord et inversement. Des artistes occidentaux descendent dans ces pays qu'ils ne connaissaient que par ouï-dire et, découvrant des cultures qui, parce qu'elles ne sont pas encore diffusées et prises en charge par la commercialité, ont gardé leur originalité, s'en sont inspirés pour enrichir leurs créations. Revenus dans leur «monde», ces artistes et leurs créations deviendront les diffuseurs et promoteurs de ces cultures du Sud. Dès lors, la demande s'oriente sur ces «nouveautés» que désormais prendront en charge les producteurs et les organisateurs d'événements qui y voient un créneau porteur. Fusions en musique, croisements de genres en littérature, emprunts de formes en arts plastiques, adaptations de styles en cinéma, introduction de mouvements et figures de danses dans des expressions corporelles modernes ont remis au goût du jour ces cultures méconnues qui s'internationalisent et, grâce à tous ces métissages, deviennent même langage universel, culture du monde. Mais cette rencontre des cultures et ces ponts entre les deux «mondes», ou plutôt les deux hémisphères d'un même monde qui n'a jamais été uniforme, ne s'établissent pas toujours dans un rapport gagnant-gagnant. L'ouverture sur le monde, ou plutôt le monde s'intéressant aux cultures du Sud, a, certes remis en selle ces dernières qui, du coup, reconquièrent la scène dans leurs propres pays. Mais, souvent, dans l'écrin, le carcan ?, que leur ont façonné leurs promoteurs. Que reste-t-il du raï originel dans ces compositions qui cartonnent dans des pays où on n'a jamais entendu parler de Sidi Bel Abbès ou d'Oran ? Où est la musique gnaouie authentique dans ces morceaux où elle est représentée par les karkabous et le goumbri ? Quelle est la part de la culture algérienne dans ces métissages et fusions ? Nos artistes et nos administrateurs de la culture ont-ils réellement su exploiter cette ouverture sur le monde et arrivent-ils à surfer sur la vague de la mondialisation en donnant à notre culture une dimension universelle ? La musique, la peinture, la tapisserie, à un degré moindre, la littérature, ont quelque peu réussi à se placer. Mais ont-elles su garder le cachet d'authenticité pour ne pas être diluées dans cette grande soupe culturelle mondiale ? Et surtout mettre à contribution leur succès mondial pour conquérir un public dans leur propre pays ? La réalité de la culture, qui est toujours en quête d'une réelle prise en charge en Algérie, d'une large diffusion et d'une socialisation, est une réponse à toutes ces questions. Nous nous félicitions d'arborer une médaille en oubliant son revers qui n'est pas aussi scintillant et a bien besoin d'être briqué. H. G.