Photo : S. Zoheir Par Youcef Salami Il y a volonté aujourd'hui de la part de l'Algérie, de la Tunisie et du Maroc de développer un marché commun de l'électricité et d'en faire un espace intégré au marché de l'énergie de l'UE. Cette disponibilité maghrébine a été mise en exergue, à l'occasion de la tenue, la semaine dernière, à Alger, de la réunion du conseil ministériel de l'énergie UMA-UE. Cette rencontre a été sanctionnée par une déclaration finale appelée «déclaration d'Alger». C'est un document en plusieurs points où il est indiqué que les trois pays «confirment leur volonté» de poursuivre les réformes de leurs secteurs énergétiques nationaux et de mettre à profit les possibilités offertes par la coopération bilatérale et multilatérale entre leurs pays respectifs et l'UE afin de «mener à bien» ces réformes et de développer leurs secteurs énergétiques nationaux. L'intégration dont il est question contribuera, à coup sûr, à la création d'un espace de libre-échange entre les pays méditerranéens et l'UE, d'une passerelle énergétique entre les pays de la rive sud et de la rive nord de la Méditerranée. Dans un long discours prononcé à l'occasion de cette rencontre, la ministre marocaine de l'Energie, des Mines, de l'Eau et de l'Environnement, Mme Amina Benkhadra a souligné que les pays du Maghreb avaient affiché leur volonté de «créer» ce marché maghrébin de l'électricité qui nécessite toutefois «l'harmonisation» des cadres réglementaires du secteur de l'électricité et un «rapprochement» des procédures de tarification de cette énergie. Les prix de l'énergie, une question qui a été évoquée, à la faveur de ce conseil des ministres. Mais elle n'a pas été tranchée. Elle le sera dans «une étape ultérieure», a relevé, le ministre de l'Energie et des Mines, Youcef Yousfi, présent évidemment à ce rendez-vous ministériel. Mme Benkhadra a considéré par ailleurs que le partenariat euro-méditerranéen dans le domaine de l'électricité exigeait de l'UE un plus grand effort dans les transferts de technologie et une plus grande ouverture de ses marchés aux produits du Sud. Cette exigence avait été formulée en 2006 par l'Algérie qui avait souhaité une plus grande liberté d'accès des pays maghrébins producteurs d'électricité solaire au marché de l'UE. L'accès, est-ce possible quatre ans plus tard ? La réponse, il faut la chercher dans les difficultés que rencontre le groupe Sonelgaz en Europe. Sonelgaz avait fait face l'année dernière à des entraves pour accéder au marché espagnol. Les autorités espagnoles lui avaient alors interdit d'agir en tant que producteur d'électricité et agent commercial en Espagne. Et ces obstacles n'ont pas été tout à fait, levés aujourd'hui. Afin de régler, une fois pour toutes, tous les problèmes liés à l'accès au marché européen de l'énergie, pourtant libéralisé, il y a plus de dix ans, l'Algérie et l'Union européenne discutent, depuis quelques années, d'un accord dit «stratégique sur l'énergie». C'est une problématique qui a été également évoquée, à l'occasion de cette réunion du Conseil des ministres. Le commissaire européen à l'énergie, Gunther Oettinger qui était de la rencontre a estimé qu'il «est possible» de parvenir à un tel accord entre les deux parties. Il a par ailleurs, annoncé que l'UE s'engage à soutenir «Desertec», un projet auquel s'intéresse l'Algérie, mais sous conditions. Le renouvelable, c'est aussi une priorité Notre pays avait conditionné sa participation par le transfert, de la part des investisseurs, de technologie en matière d'engineering, d'équipements et de constructions. Youcef Yousfi a indiqué que l'Algérie «étudierait» la possibilité de développer des projets de partenariat euro-méditerranéen. «Nous allons étudier toutes les possibilités de développement des énergies renouvelables non seulement au niveau national mais aussi au niveau régional», a-t-il répondu à une question sur la position de l'Algérie sur le projet de production d'électricité solaire (Desertec), initié par des entreprises européennes. Soulignant l'achèvement dans les délais contractuels de la première étape du projet de l'intégration du marché de l'électricité de l'Algérie, du Maroc et de la Tunisie avec celui de l'Europe, le ministre a indiqué que ce projet avait besoin pour sa mise en œuvre de renforcer la formation des ressources humaines. Ce projet, c'est une initiative formulée par des entreprises allemandes, françaises, espagnoles et italiennes ; il sera complété par une participation des pouvoirs publics (de l'UE) pour en arriver à sa réalisation technique et financière. «Desertec n'est pas un projet privé, il sera réalisé uniquement s'il a un écho auprès des gouvernements et je vais m'engager à le réaliser dans l'intérêt des pays maghrébins et européens», a tenu à affirmer le commissaire européen. «Tout reste à faire, de la planification jusqu'au financement et nous allons soutenir ce projet», a-t-il martelé en précisant que «le financement sera privé mais l'intérêt sera public». D'un coût de 400 milliards d'euros, Desertec vise à fournir d'une manière durable des énergies renouvelables à l'Europe, au Moyen-Orient et à l'Afrique du Nord. Toujours au chapitre des énergies renouvelables et dans une déclaration qu'il a faite à l'occasion de cette réunion UMA-UE, le ministre de l'Energie et de l'Industrie tunisien, Afif Chelbi, a souligné qu'il était «nécessaire» de clarifier les modalités d'achat de ces énergies renouvelables, mettant en relief la tarification des échanges électriques frontaliers, des réseaux pas tout à fait denses ; les interconnexions électriques maghrébines représentent seulement un pour cent des capacités de production globales du Maghreb, un taux qui reste insuffisant pour des échanges réguliers et étalés dans le temps. L'Algérie et le Maroc sont déjà reliés par une interconnexion de 400 kilovolts, qui leur facilite le transport de l'énergie électrique vers l'Espagne dans le cadre de la réalisation de la boucle électrique euro-méditerranéenne. La ligne 400 KV Hassi Ameur (Algérie)-Bourdim (Maroc) a été mise en service. La mise sous tension de l'interconnexion électrique (400kV) entre l'Algérie et le Maroc constitue un important challenge pour le groupe Sonelgaz. C'est le transport de grandes quantités d'énergie dans les deux sens qui a été rendu possible. C'est le produit d'efforts colossaux déployés et par les équipes des sociétés du Groupe Sonelgaz et par celles de l'Office national de l'électricité du Maroc (ONE). Cette nouvelle liaison est de nature à conforter l'exploitation du système Production transport d'électricité (SPTE), en termes de sécurité, de continuité et de qualité de service : elle facilite les échanges électriques en renforçant davantage la sécurité du système électrique et en sécurisant l'approvisionnent en énergie des deux pays. Cette interconnexion conforte par ailleurs les liens traditionnels tissés déjà de longue date en matière de coopération dans le domaine de l'énergie électrique, entre l'Algérie et le Maroc. Deux autres interconnexions sont prévues dans le cadre de cette intégration, l'une sous-marine devant relier la Tunisie à l'Italie et une autre reliant le Maroc à l'Espagne. En résumé, il faut dire que le message est très clair : les pays maghrébins veulent «renforcer» le partenariat énergétique entre eux, d'une part, et entre eux et l'UE, d'autre part. Les pays du Maghreb souhaitent développer non seulement de l'énergie et de l'industrie, mais également des énergies renouvelables.