«Quand Blatter part à la cueillette du pognon, il revient plein de Sepp», a noté à partir d'Afrique du Sud l'envoyé spécial d'un journal iconoclaste qui voyait en la Fédération internationale de football plus une organisation du genre pieuvre mafieuse (les journalistes d'Afrique du Sud évoquent littéralement une mafia suisse) que l'auguste institution gardienne des valeurs morales du sport dont elle se prévaut et dont elle n'est plus dépositaire depuis ces vingt dernières années. La FIFA et son patron ont-ils décidé un jour d'élire domicile en Afrique du Sud plus avec l'idée d'un Savorgnon de Brazza, esclavagiste certain et réputé pacifiste, que de réparer l'injustice qui consistait à mettre et garder à l'écart le continent africain de l'organisation d'une manifestation comme le Mondial de football ? Quoique la deuxième hypothèse soit plus que probable et pour cause la réserve incontournable de l'Afrique sur l'échiquier, électoralement parlant, de la fédération internationale, il n'en demeure pas moins qu'il lui était également plus facile de régenter l'organisation de la manifestation dans un pays de ce continent qu'il ne l'aurait été en Europe et à un degré moindre sur les autres continents. La FIFA, après avoir ergoté, gesticulé et annoncé l'éventualité de mesures contre la présence des vuvuzelas, compte tenu de l'indéniable capacité de nuisance sonore de l'instrument, a rapidement désarmé non pas, sans doute, par respect des seules règles d'hospitalité et, dans ce cas d'espèce, par respect à l'usage d'un instrument local à l'incontestable ancrage populaire mais par crainte des risques d'une désertion des stades, d'une part, et, de l'autre, parce que le vuvuzela n'était plus l'apanage des autochtones uniquement mais de l'ensemble de ceux venus de tous les coins de la planète. Et en l'occurrence cela avait l'avantage, au moins, d'encourager le commerce de l'instrument en question et de contribuer à entretenir des emplois, si ponctuels et précaires seraient-ils. Le seul regret des pontes de la fédération internationale aurait été de ne pas avoir anticipé sur cet incroyable succès du vuvuzela et donc de ne pas avoir passé une convention exclusive avec le fabricant ou les fabricants locaux et récupéré des dividendes sachant que brasser tous azimuts de l'argent est devenu son seul credo. L'appât du gain, phénomène de Blatter et sa garde, au cours de ce Mondial de football est tel que, la fédération exerçant un monopole des activités annexes et accessoires tournant autour de l'événement, des milliers de commerçants se sont retrouvés face à des mesures coercitives «légales» inimaginables, mettant en cause leur moyen de subsistance et celui des populations. Jusqu'aux journaux locaux qui étaient interdits de vente à la criée à près d'un kilomètre des stades. A contrario, Blatter et les siens n'y sont pas allés de main morte dès qu'il s'est agi de sanctionner les supportrices néerlandaises vêtues aux couleurs «Oranje» au motif qu'elles feraient indirectement de la publicité pour une marque de bière du pays. Exclues du stade, placées en garde à vue et menacées d'expulsion d'Afrique du Sud avec tous les effets de manches spectaculaires possibles des avocats de l'instance sportive mondiale déployant une formidable rhétorique autour d'une infraction à l'Ambush marketing (loi veillant à la protection des annonceurs officiels d'un événement et faisant la chasse à ceux qui en profiteraient indirectement), elles ont eu droit «heureusement» à sa [FIFA] magnanimité pour peu qu'elles s'habillent plus… décemment. Autrement dit, selon les préceptes du football-casino, ses bandits-manchots et toutes autres machines à sous. En fait, cet excès d'organisation dénote, on ne peut mieux, la réelle désorganisation d'un événement sportif cyclique, à mesure que passent les années, perverti par des personnes, hier ordinaires dirigeants élus d'une tout ordinaire organisation et muée aujourd'hui en un empire financier à l'appétit insatiable, aux pratiques relationnelles nauséabondes et à l'hégémonisme des plus inquiétants. Selon les journaux sud-africains, des tee-shirts portant «Fick Fufa» circulent déjà dans le pays. A. L.